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Aux Philippines, deux mois après Haiyan : les enjeux de la reconstruction
Article mis en ligne le 14 janvier 2014
dernière modification le 9 janvier 2014

Du fait de l’incurie gouvernementale, la phase initiale des secours « d’urgence » est loin d’être achevée, deux mois après la catastrophe climatique qui a dévasté le centre de l’archipel philippin. Déjà cependant, les choix en matière de « reconstruction » deviennent un enjeu crucial. Dans ces conditions, la solidarité internationale doit se poursuivre.

(...) L’année 2014 a mal commencé pour les survivantes et survivants du super typhon Haiyan (nommé Yolanda aux Philippines). De fortes pluies se sont abattues sur les régions sinistrées, provoquant de gigantesques coulées de boue, charriant les débris laissés derrière lui par le cyclone. De nombreuses routes ont été coupées. Des tonnes de décombres sont en effet toujours là, même à Tacloban, la principale ville portuaire de Leyte. Une dizaine de navires commerciaux projetés sur terre par la violence des flots risquent à tout moment de basculer. La population vit sous la menace permanente d’accidents ; et comment reconstruire quand le terrain n’a pas été dégagé ? Or c’est ici, à Tacloban, que les secours internationaux, gouvernementaux ou associatifs se sont avant tout concentrés : la situation d’abandon est bien plus évidente dans des villages reculés.

Au lendemain de la catastrophe du 8 novembre 2013, la présidence philippine a commencé par nier contre toutes évidences la gravité de la situation, puis le gouvernement s’est révélé incapable plusieurs semaines durant d’organiser les secours, laissant finalement l’initiative à Washington qui a envoyé sur place une flotte militaire |1|. Maintenant, à Tacloban au moins, l’aide alimentaire arrive et les pauvres peuvent manger trois fois par jour, ce qui n’était pas toujours le cas avant la catastrophe ! La vie quotidienne s’est normalisée autant que faire se peut - au côté des cadavres et au milieu d’odeurs pestilentielles : des milliers de corps n’ont pas encore été enterrés.


À chaque étape des secours ses scandales.
(...)

Les régions dévastées par Haiyan comptent parmi les plus pauvres de l’archipel. Affectant 14 millions de personnes et détruisant l’économie locale, le typhon a fait en quelque sorte table rase. On peut reconstruire à l’identique, en reproduisant les mêmes rapports sociaux, les mêmes inégalités ; reconstruire sur des bases socialement moins inégalitaires ; ou bien reconstruire en pire : en marginalisant plus encore diverses communautés populaires, en étendant encore la précarité.

Les choix opérés par le gouvernement risquent bien de conduire au pire. Aucune leçon n’est tirée du désastre en matière de politique préventive. Rien n’est annoncé pour porter un coup d’arrêt à la déforestation ou à l’extension des industries extractives qui aggravent considérablement les risques environnementaux (...)

le règne du clientélisme dans le « partenariat public/privé » a de beaux jours devant lui.

Les « grandes familles » régnant sur les provinces affectées cherchent à étendre leur emprise aux dépens des populations en accaparement de nouvelles terres. (...)

Les populations sinistrées ne doivent pas être traitées comme des victimes passives, dépendant de la charité internationale et de la bonne volonté des possédants, mais comme actrices de la réhabilitation. Les millions de sans-logis, de sans-emplois, de sans ressource restent des citoyennes et des citoyens avec leurs droits. Les associations de survivantes et survivants, de personnes déplacées, de réfugiés intérieurs, deviennent alors un mouvement social au même titre qu’un syndicat ou une organisation paysanne.

Ce champ de mobilisation est particulièrement développé à Mindanao, dans le sud de l’archipel, où les conflits militaires s’ajoutent aux désastres environnementaux pour faire des personnes déplacées une question politique permanente. (...)

Le rôle de notre solidarité internationale reste lui aussi très important. Du fait de l’ampleur des territoires dévastés, les mouvements populaires engagés dans l’aide aux victimes de Haiyan sont confrontés à des difficultés inédites : la paralysie des administrations, l’absence de « bases d’appui » proches où les sans-abris pourraient se réfugier et s’organiser, les distances d’acheminement des secours, les coûts logistiques, même pour des organisations militantes dont les frais de fonctionnement sont extrêmement réduits…

Europe solidaire sans frontières (ESSF) soutient l’action de Mi-HANDs et deux rapports d’étape ont été publiés en décembre 2013 (...)