
Depuis son rachat, le réseau social subit des problèmes structurels dans tous les domaines, qui peuvent aller jusqu’à menacer sa survie à moyen terme. Sans même parler de la surveillance accrue des régulateurs.
Des défis techniques considérables
La première inquiétude concerne la stabilité technique du réseau social, alors que les équipes chargées de la maintenir sont atrophiées. L’arrivée du nouveau patron a été l’occasion pour lui de remercier un peu plus de 3 500 employés, soit la moitié des effectifs de la société. A cela s’ajoutent les 4 400 contractuels externes, chargés de la modération mais aussi de certaines tâches techniques, ainsi qu’une nouvelle vague de départs, à l’ampleur encore difficile à estimer, à la suite du courriel dans lequel le nouveau dirigeant appelait les employés à travailler « durant de longues heures à haute intensité ». (...)
les départs affectent des fonctions internes importantes pour le service. Les équipes du « centre de commande », par exemple, chargées de veiller sur le site vingt-quatre heures sur vingt-quatre et sept jours sur sept, ont ainsi annoncé avoir quitté l’entreprise. On peut aussi signaler de nombreux départs chez les développeurs chargés de maintenir les interfaces de programmation à destination des développeurs tiers, parmi les équipes chargées de rediriger les demandes internes aux services correspondants, ou encore parmi les employés chargés de développer et de maintenir les outils utilisés par les ingénieurs de la société. Autant de personnes responsables jusqu’ici de la stabilité du site et dont les postes sont aujourd’hui vacants.
Des figures importantes de l’équipe dirigeante, par ailleurs, s’en sont allées (...)
Les troupes qui restent sont donc anémiques, mais Elon Musk compte tout de même sur elles pour parachever rapidement de nouveaux projets. Outre le lancement – compliqué – du nouveau programme Twitter Blue (dont le déploiement est pour l’heure repoussé, au mieux, au 29 novembre), s’ajoutent de nouvelles ambitions, d’après des documents internes consultés par The Verge. Parmi elles, le déploiement de conversations audio et vidéo chiffrées, ainsi qu’un projet maintes fois envisagé par le réseau social et maintes fois repoussé : le chiffrement des messages directs, qui permettrait de garantir la confidentialité des échanges privés (les « DM ») entre les utilisateurs.
De tels projets sont gourmands en ressources, ce qui explique qu’Elon Musk ait affirmé, lors d’une rencontre lundi 21 novembre avec les salariés, que Twitter recherchait désormais activement des ingénieurs et des commerciaux pour repeupler ses bureaux. A commencer par des « stars » dans leur domaine : le développeur américain George Hotz, connu pour avoir été l’un des premiers à pirater la PS3 en 2011 ou l’iPhone en 2007, a ainsi annoncé avoir été embauché pour douze semaines afin de revoir et d’améliorer les fonctions de recherche proposées par le réseau social. (...)
certains signes laissent penser que tout ne va pas au mieux sur le réseau social.
Les outils automatisés permettant de filtrer les contenus protégés par le droit d’auteur semblent ainsi avoir eu des ratés, permettant à des internautes de publier des films entiers sur la plate-forme. Ces contenus sont restés en ligne plusieurs heures avant d’être finalement supprimés par les auteurs des tweets eux-mêmes ou par les équipes de modération. (...)
les tweets racistes visant des joueurs de la Coupe du monde, qui auraient dû être supprimés rapidement, restent aujourd’hui en ligne dans l’immense majorité des cas. De façon plus générale, une étude menée par une équipe de l’université Tufts (Boston), citée par Wired, montre que la « toxicité » des propos tenus sur la plate-forme a augmenté depuis le rachat.
Une surveillance accrue des régulateurs
Ces problèmes de modération sont d’ailleurs au cœur d’un autre danger majeur auquel s’expose actuellement Twitter : les réformes de M. Musk, partisan d’une liberté d’expression maximale, ont attiré l’attention de la quasi-totalité des régulateurs, aux Etats-Unis, en Europe et dans bien d’autres pays. Et ces derniers sont désormais dotés de pouvoirs de sanction dissuasifs, particulièrement en Europe. (...)
S’ajoute à cela le comité pour les investissements étrangers du Sénat américain, auquel plusieurs élus demandent d’ouvrir une enquête sur le montage financier utilisé par M. Musk pour acquérir Twitter – et notamment sur la présence au capital de l’entreprise du principal fonds souverain saoudien, ce qui pose, estiment ces élus, un risque pour la sécurité nationale.
Enfin, les décisions de M. Musk de relâcher largement les règles de modération – déjà très permissives – du réseau social pourraient aussi attirer l’attention de plusieurs régulateurs nationaux, notamment en Allemagne et en France, où des textes particuliers encadrent très strictement la publication de messages faisant l’apologie du nazisme ou du terrorisme. L’entrepreneur a envoyé, depuis sa prise de contrôle, des signaux contradictoires à ce sujet, assurant aux annonceurs que Twitter resterait un espace modéré, mais licenciant l’essentiel des équipes chargées de cette tâche. Sous sa direction, Twitter a par ailleurs rétabli les comptes de plusieurs personnalités américaines d’extrême droite, complotistes ou antisémites (...)
Une situation financière instable
Un troisième défi, et non des moindres, pèse sur Twitter : redresser les finances de l’entreprise et limiter les risques pour Elon Musk, qui s’est endetté pour racheter le réseau social. Les difficultés économiques de la plate-forme ne sont pas nouvelles (...)
Surtout, 89 % de ces revenus sont issus de la publicité, secteur qui montre des signes de frilosité depuis l’intronisation d’Elon Musk dans les locaux californiens. Or, d’après les chiffres obtenus par le Washington Post, un tiers des cent principaux annonceurs de la plate-forme aux Etats-Unis, comme les marques Jeep ou Mars, ont cessé de financer des campagnes sur Twitter ces deux dernières semaines. L’une des plus grandes sociétés publicitaires, GroupM, a par ailleurs récemment mis en garde ses clients concernant les risques encourus par les marques sur le site (...)
Le lancement avorté de Twitter Blue, qui a notamment permis à des internautes facétieux d’usurper temporairement l’identité de certaines marques en arborant un badge « vérifié », est également un sujet sur lequel les équipes commerciales cherchent à rassurer leurs clients. (...)
Il faudra aussi, pour sauver et consolider les revenus publicitaires en attendant une hypothétique transition vers un système d’abonnement payant, arriver à maintenir la masse d’utilisateurs du réseau social. Dans son dernier rapport annuel, Twitter revendiquait 217 millions d’utilisateurs actifs quotidiens « monétisables », c’est-à-dire qui peuvent voir et consulter des publicités sur la plate-forme. Mais, selon l’agence Reuters, un récent rapport interne s’est inquiété d’une baisse de la tranche la plus active des utilisateurs du site, notamment chez les internautes anglophones. Ce même rapport notait une croissance des contenus anglophones liés à la nudité, la pornographie et les cryptomonnaies, qui peuvent être jugés indésirables pour le grand public. (...)
Il reste difficile d’estimer si Twitter encourt réellement, à terme, le risque d’une migration massive de ses utilisateurs vers d’autres réseaux sociaux pour l’heure plus confidentiels, comme Mastodon (qui revendique aujourd’hui 6,5 millions d’utilisateurs inscrits), ou encore Hive (qui a annoncé avoir passé le cap du million d’utilisateurs). De son côté, Elon Musk assure même que sa plate-forme bat, ces dernières semaines, des records de fréquentation. (...)
Assainir la situation financière de Twitter n’en reste pas moins urgent pour l’homme d’affaires (...)