
Casino a sorti la première en 2005. Auchan, Carrefour, Intermarché, Système U, Simply Market, mais aussi Leroy Merlin ou Ikea ont suivi.
La machine a-t-elle remplacé l’homme (ou plutôt la femme, 61% du personnel de ces commerces étant féminin) ? Telle était la crainte exprimée au départ par les syndicats des principales concernées.
Finalement, les effectifs du secteur – tous métiers confondus – n’ont que légèrement baissé, de 1,7% en 2011. Les caissières en particulier n’ont pas massivement disparu, ajoute Sophie Bernard, auteure de « Travail et automatisation des services. La fin des caissières ? » En revanche :
« Les effets sur l’emploi sont plus insidieux. On ne remplace pas les caissières en fin de CDD ni celles qui partent, et on installe des caisses automatiques quand un magasin ouvre ou s’agrandit. »
Avec la caisse automatique, la caissière ne garde de son métier que la blouse siglée. Et encore, un uniforme bleu gendarme sera bientôt plus approprié.
« Les machines, c’est l’enfer » (...)
la caisse automatique est arrivée. Sous deux variantes. Dans les deux cas, c’est au client de jouer au caissier, tandis que la caissière est devenue contrôleuse :
- le « self check out » : à la sortie, le client scanne ses produits, ou il passe son chariot sur une balance incrustée dans le sol. Derrière un ordinateur, la caissière vérifie qu’il ne scanne pas deux fois le même produit par exemple, et intervient quand une difficulté surgit ;
- le « self scanning » : le client prend une « douchette » à l’entrée et scanne les produits au fur et à mesure qu’il les met dans son panier. A la sortie, la caissière contrôle les clients : elle vérifie que certains produits – parfois la totalité du panier – ont bien été scannés, ce qui l’oblige à fouiller dans les paniers.
L’activité est venue s’ajouter aux autres. Les caissières qui ne l’étaient pas sont devenues polyvalentes, alternant les tâches : caisse classique, caisse automatique, voire travail dans les rayons.
« Les clients ne voient que le flic »
Ce sont d’abord les clients qui ont changé avec les caisses. Maladroits, inexpérimentés, ils sont plus énervés avec les machines. Ce qui change la relation aux employées, constate le sociologue Mathias Waelli [PDF], qui a travaillé durant cinq années dans des hypermarchés pour « Caissière… et après ? » :
« Avant, les caissières mettaient beaucoup l’accent sur leur relation aux clients. Une bonne caissière, c’était celle qui repérait de loin les besoins et qui savait comment y répondre : s’il fallait parler ou non, quels sujets aborder, se dépêcher ou prendre le temps, ensacher les courses ou pas. C’est la dimension qui était la plus valorisée dans leur travail.
Aujourd’hui, avec la caisse automatique, ce ne sont que les clients énervés qui viennent voir les caissières. »
D’ailleurs, les clients ne les saluent plus, ils les hèlent (...)
Dorénavant, quand elle n’encaisse pas, quand elle ne range pas les rayons, la caissière supervise quatre à dix caisses en même temps. Vous avez l’impression que c’est le client qui fait le boulot ? La caissière est en fait « dans un état de vigilance permanent », poursuit la chercheuse.
Cette nécessité de surveiller tout le temps les clients a une conséquence : la fin des temps morts, de ces instants de répit et de récupération, quand le client remplissait son sac, remarque le chercheur en gestion Amadou Ba, qui, pour sa recherche, a travaillé comme responsable de caisse pendant trois ans dans un magasin pionnier en matière d’automatisation :
« On développe des outils pour que les caissières soient toujours occupées. Et pour intensifier le rythme, ainsi que la charge mentale et physique. » (...)