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Sans emploi. Condition de l’homme postindustriel Raphaël Liogier Éditeur : Les liens qui libèrent
Article mis en ligne le 20 mars 2017
dernière modification le 16 mars 2017

Nous pensons la réalité sociale selon des schémas qui restreignent les possibilités que nous aurions d’imaginer ce vers quoi nous voudrions la voir évoluer. Et les utopies servent précisément à ébranler ces schémas. On s’attendrait à ce qu’elles se présentent pour ce qu’elles sont, même si l’on sait d’expérience que ce n’est souvent pas le cas, car elles prennent fréquemment la forme d’un diagnostic sur notre époque. On est alors enclin à les juger autant sur les constats qu’elles font et les déductions qu’elles prétendent pouvoir en tirer, que sur les déclinaisons de l’idéal qu’elles proposent.

Cet ouvrage tombe dans cette catégorie. S’appuyant sur une description d’un nouveau mode de production et constatant l’obsolescence de notre système de redistribution de richesse, il propose de modifier radicalement ce dernier, en instaurant un revenu d’existence d’un montant élevé et un impôt progressif sur le patrimoine destiné à le financer, couplé à une TVA sociale et écologique. Il en espère une libération des énergies, mais également une plus grande efficacité du capital comme du travail, grâce aux mécanismes du marché, qui pourraient alors jouer plus librement.

L’auteur, sans doute en partie parce qu’il n’est pas spécialiste de ces questions, ne se préoccupe guère de positionner ses analyses et ses propositions par rapport aux discussions qui ont cours sur tous ces thèmes, sinon de manière superficielle en enrôlant tel ou tel auteur qu’il utilise alors pour parfaire sa démonstration.

Il produit ainsi une sorte d’OVNI sociologique, dont nous avons essayé de rendre compte de manière charitable (presque à l’opposé donc du long compte-rendu de Jean-Marie Harribey que l’on pourra lire sur son blog) pour laisser le lecteur se faire sa propre idée et décider de l’utilisation qu’il pourrait faire de ce livre. (...)

L’envolée de la productivité

L’auteur, sociologue et philosophe, nous explique tout d’abord que la productivité a atteint un tel niveau dans les pays les plus développés que la production qui peut-être écoulée ne nécessite plus qu’un nombre restreint d’emplois.

Le progrès technique avait jusqu’ici toujours fait émerger de nouveaux domaines d’activités. Ce n’est plus le cas, ou en tout cas pas dans des proportions suffisantes pour compenser les emplois supprimés.

Et les choses ne sont pas près de s’arranger sur ce plan si l’on en croit certaines des prévisions réalisées de suppressions d’emplois que pourrait induire le progrès technique dans les années à venir.

Ces thèses sont abondamment discutées chez les économistes sans qu’un consensus se soit encore dégagé. (...)

L’émergence d’un nouveau mode de production

Raphaël Liogier détaille ainsi les caractéristiques de ce nouveau mode de production qu’il relie à l’économie collaborative. A l’origine duquel se trouvent, selon lui, la robotisation intelligente, adaptative et emphatique. Mais aussi la réduction tendancielle du coût des objets fabriqués et des services rendus, favorisée par la disponibilité d’une énergie qui devrait être dans le futur de moins en moins chère parce que renouvelable, et liée au fait que ceux-ci nécessitent de moins en moins de travail humain. (...)

La persistance du chômage de masse, l’accroissement des inégalités, la perspective de nouvelles et très importantes destructions d’emplois liées au progrès technique et pour finir la disparition de l’emploi comme occupation exclusive, conjugués au niveau de création de richesses déjà atteint dans les pays les plus développés et aux perspectives qu’ouvre en la matière le mode de production interactif, décrit ci-dessus, plaident pour la mise en place d’un nouveau système de répartition de la richesse.

Un revenu d’existence de niveau élevé (...)

Un impôt progressif sur le patrimoine et une TVA sociale et écologique

Deuxièmement, un impôt progressif sur le patrimoine d’un niveau assez élevé pour contraindre ses détenteurs à chercher à en tirer un rendement élevé – que l’auteur assimile toutefois trop rapidement à une utilisation efficace –, sauf à accepter d’en être progressivement dépossédés. Mais également contrecarrer le fait que le capital ponctionne une part toujours plus importante de la richesse, comme l’a montré Thomas Piketty. Cet impôt viendrait se substituer à l’impôt sur le revenu (mais également à l’ensemble des autres impôts hors TVA) et financerait le revenu d’existence. (...)

Là encore, l’auteur attribue au marché, comme il le faisait pour le travail ci-dessus, une capacité à orienter le capital vers les emplois les plus efficaces et socialement bénéfiques, avant de se raviser, en précisant qu’il conviendrait d’imposer différemment deux types de capital, en surtaxant le capital mort par rapport au capital vivant, qu’il définit comme celui qui serait investi dans les projets créateurs d’activité. Sans mesurer toutefois visiblement toute la difficulté de faire cette distinction dans la réalité.

Sans une étroite coopération internationale contre l’évasion fiscale et sans adoption simultanée au niveau, au minimum, d’une grande région du monde, la mesure resterait néanmoins lettre morte, comme le reconnaît Liogier.

Troisièmement, une TVA sociale et écologique, destinée à financer la solidarité en matière sanitaire et sociale (...)