
Stéphanie Gibaud a permis à l’État de récupérer 1,8 milliard d’euros dans l’affaire UBS. Mais cette lanceuse d’alerte a tout perdu et vit au RSA. Bercy s’oppose pourtant fermement à ce qu’elle touche une indemnisation. Récit d’audience.
Avec Nicolas Forissier, Stéphanie Gibaud a été une lanceuse d’alerte essentielle dans cette affaire. Sans les informations précieuses qu’elle a données, une grande partie des pratiques de la banque suisse, ses démarchages illicites en France auprès des clients fortunés et les méthodes d’évasion fiscale pratiquées à grande échelle auraient été passés sous silence. Sans sa ténacité et celle de Nicolas Forissier, l’affaire UBS aurait été promptement enterrée, malgré leurs nombreuses alertes, notamment auprès de l’Autorité de contrôle prudentiel et de résolution (ACPR), peu encline à aller demander des comptes à une grande banque internationale.
L’affaire UBS s’est finalement terminée devant la justice. La banque suisse a été condamnée en décembre 2021 pour complicité de fraude fiscale aggravée et démarchage bancaire illicite. Le Trésor public y a gagné 1,8 milliard d’euros. (...)
Stéphanie Gibaud, elle, a tout perdu, son travail, ses amis, une partie de ses soutiens familiaux et parfois ses repères. Elle n’a plus jamais retrouvé de travail et vit avec le RSA. Alors qu’elle avait commencé à travailler avec la direction nationale des enquêtes fiscales dès 2015, elle avait demandé à avoir une rétribution puisqu’elle était sans ressources. Il lui avait été répondu que c’était impossible car à la différence des douanes, la direction des finances publiques ne rétribuait pas ses informateurs.
Refus d’indemnisation
Dans le cadre de la loi de finances 2017, cet oubli fut réparé. L’article 109 autorise désormais « l’administration fiscale à indemniser toute personne étrangère aux administrations publiques, dès lors qu’elle lui a fourni des renseignements ayant amené à la découverte d’un manquement [...] ou au Code général des impôts ». Et c’est au titre de cet article que l’avocat de Stéphanie Gibaud, Me Antoine Reillac, a présenté une nouvelle demande d’indemnisation, d’autant que la direction nationale des enquêtes fiscales a continué de lui demander à collaborer en 2017 et en 2018.
Bercy a refusé. (...)
Les cellules de « dégrisement » censées permettre aux évadés fiscaux de régulariser leur situation ont disparu. Les dossiers d’évasion fiscale ont eux aussi disparu des écrans radars. Quant aux lanceurs d’alerte, loin d’être protégés, tout est fait au contraire pour les dissuader de dénoncer des pratiques illicites et de venir perturber le système.
Le jugement a été mis en délibéré.