Bandeau
mcInform@ctions
Travail de fourmi, effet papillon...
Descriptif du site
Rue 89
Bientôt des sociétés militaires privées en France ? Non merci !
Article mis en ligne le 12 mars 2012

Le rapport d’information sur les « sociétés militaires privées », déposé à l’Assemblée le 14 février, est passé plutôt inaperçu dans les médias. Le Point et Le Nouvel Observateur ont été pratiquement les seuls à lui consacrer un article substantiel. Dommage, car le sujet mérite attention.

Dans une belle démonstration d’un effort bipartisan, les rapporteurs Christian Ménard (député UMP du Finistère) et Jean-Claude Viollet (député PS de Charente) se lamentent : la France n’est pas encore franchement engagée dans le business des sociétés militaires privées (SMP). Elle se laisse distancer par les Etats-Unis et le Royaume-Uni, les deux poids lourds de cette industrie.

Ils s’inquiètent que la France, susceptible aux arguments moraux contre le mercenariat, ne se prive d’un outil capital dans le monde contemporain. Selon eux, la mauvaise réputation de cette industrie, souvent associée à la notoire SMP américaine Blackwater, n’est pas méritée. La France aurait donc intérêt à légaliser ces sociétés. Le rapport a été adopté à l’unanimité et devrait mener à une proposition de loi.

Il est sans doute naïf de penser qu’un réel contrôle démocratique existe sur la politique étrangère française. Mais permettre à des entreprises privées de servir les « intérêts » de la France par procuration ajoute une couche d’opacité.

Ces entreprises rendent des comptes uniquement à leurs actionnaires. Les auteurs tentent de nous rassurer : ces sociétés ne remettent pas en cause le monopole régalien de l’usage de la force. Ce n’est pas le problème car il y a plus grave : elles subvertissent le processus démocratique. (...)

Dans le rapport, nous apprenons par exemple que Gallice, un groupe « fondé en 2007 par quatre anciens cadres de la DGSE et du GIGN », avec 20 millions d’euros de chiffre d’affaires, a « notamment formé des unités d’élite au profit de l’Etat gabonais. »

Les auteurs ne voient rien de problématique dans cette phrase. (...)

Les auteurs du rapport s’attardent peu sur le côté sombre de l’industrie, déplorant quelques « bavures » qu’ils attribuent principalement à la tristement célèbre Blackwater. Il ne s’agit pas en fait de « quelques bavures » mais d’une répétition régulière d’abus des droits de l’homme, d’usage disproportionné de la force et de fraude. (...)

Certains Etats, de nombreuses ONG et l’ONU ont exprimé leur inquiétude face a ces sociétés, qui opèrent la plupart du temps dans l’impunité la plus totale. Les rapporteurs ne peuvent prétendre ignorer les problèmes soulevés par de nombreux observateurs. (...)

Même les Etats-Unis, le client le plus important pour ces sociétés, se demandent maintenant s’il est possible de faire marche arrière (...)

« Le monde avance sans attendre la France », s’inquiètent les rapporteurs. Mais le monde avance vers quoi ? Vers un monde où le gouvernement délègue à des sociétés militaires privées pour éviter de se salir les mains, sans aucun contrôle démocratique ? Vers un monde où les prisons et les postes de police sont opérés par des acteurs privés dont le seul but est d’augmenter leur profit ? Alors non merci.

Ebuzzing