
L’industrie pharmaceutique fonctionne sur la recherche de rentes.
La crise sanitaire jette une lumière crue sur les pratiques de l’oligopole mondial des industries pharmaceutiques, dominé par quelques grandes firmes multinationales, Big Pharma. Ces dernières sont engagées dans une course au profit qui s’exerce au détriment des populations. Au début de la crise, on a assisté à des pénuries de médicaments fondamentaux pour soigner les cas graves de Covid-19, en particulier des anesthésiques nécessaires en réanimation. Les raisons de ces pénuries sont de deux ordres. Les délocalisations industrielles ont abouti à concentrer la production de principes actifs en Chine et en Inde, mettant à mal la souveraineté sanitaire de nombreux pays. Par ailleurs, les médicaments qui ne sont plus sous brevet, qui peuvent donc être produits sous forme générique, n’intéressent pas les grandes firmes, car leurs prix de vente ne sont pas assez élevés. (...)
De manière plus structurelle, l’industrie pharmaceutique fonctionne sur un business model fondé sur la recherche de rentes. Celles-ci proviennent essentiellement des actifs intangibles que sont les brevets (...)
L’industrie pharmaceutique est donc très rentable. Ces profits viendraient-ils financer la R&D qui légitime les fameux brevets ? En partie seulement. Une étude de William Lazonick et de ses collègues analyse ce qu’ont fait dix-huit grandes entreprises pharmaceutiques américaines de leurs revenus nets entre 2009 et 2018 (1). Ceux-ci s’établissent, pour l’ensemble de ces firmes, à 588 milliards de dollars cumulés. Elles se sont endettées pour allouer 544 milliards à la R&D et verser 287 milliards en dividendes aux actionnaires et 335 milliards au titre des rachats de leurs propres actions. Et ce, afin de faire monter artificiellement le cours des actions et satisfaire les actionnaires. De plus, les rémunérations des cadres dirigeants étant alignées sur les cours de Bourse des entreprises, ceux-ci ont tout intérêt à « maximiser la valeur actionnariale » de leurs firmes, mantra de la gestion des entreprises dans un régime de capitalisme financiarisé. On peut douter qu’un tel business model soit compatible avec la production d’un vaccin envisagé comme bien commun.