
Pollution des sols et des nappes oblige, on se méfie parfois de l’eau du robinet, qui accompagne pourtant notre vie quotidienne. D’où viennent les eaux parisiennes ? De différentes zones de captage, comme dans la vallée de la Vanne, à 120 kilomètres de Paris. Les eaux y sont captées dans le sol, mais c’est bien en surface que les choses sont en train de bouger : de plus en plus d’agriculteurs, incités par différents programmes publics, se convertissent au bio pour contribuer à la qualité des eaux ensuite acheminées vers Paris. Le phénomène est-il suffisant pour éliminer toutes formes de pollutions aux produits chimiques ? Basta ! a enfilé la frontale, pour une plongée en eaux pas si troubles.
Vaut-il mieux boire de l’eau en bouteille, ou bien au robinet ? D’un côté, la crainte de pollutions aux pesticides ou de traitements au chlore un peu trop offensifs... De l’autre, la privatisation d’un bien commun et la production massive de déchets plastiques. Pour Christophe Gerbier, de l’organisme public Eau de Paris, la réponse est claire, au moins pour la capitale. Non seulement l’eau du robinet des parisiens serait de bonne qualité [1], mais en consommer soutiendrait la protection de l’environnement. « A chaque fois que l’on boit un verre d’eau du robinet, à Paris, on fait un acte citoyen », assure le directeur de la ressource en eau et de la production. L’affirmation est-elle aussi limpide que l’eau de roche ?
Une partie de la réponse se trouve dans la vallée de la Vanne, entre l’Yonne et l’Aube, à 120 kilomètres de Paris. A quelques encablures de Saint-Benoist-sur-Vanne, au pied d’une petite colline et au milieu des arbres, on n’imagine pas l’édifice qui est enfoui sous la terre, depuis plus d’un siècle. La porte d’entrée est imposante, fermée avec un gros cadenas. A l’intérieur, creusées et consolidées dans le calcaire, des galeries drainantes recueillent les eaux de la source dite d’Armentières, qui sont ensuite acheminées vers Paris.
Acheminer 30 000 mètres cubes d’eau, sans électricité
Ce réseau de canaux a été construit entre les années 1866 et 1874, à la main, par une centaine de personnes rémunérées en argent et en vin, pour alimenter la capitale en eau potable. Depuis, l’eau n’a cessé de s’écouler vers Paris, grâce à un aqueduc de 156 km de long. Sa pente douce – dix centimètres tous les kilomètres – permet d’acheminer les 30 000 mètres cubes d’eau qui émergent tous les jours de la source d’Armentières, en 70 heures. Le tout, sans pétrole ni électricité ! (...)
la zone qui ne comptait en 2008 que 286 hectares de surfaces engagées en bio, en compte aujourd’hui 2100. Soit une progression de plus de 700 % ! Le nombre d’agriculteurs bio est significatif : ils étaient cinq en 2008, et désormais 29 en 2015. Une vingtaine d’entre eux se sont regroupés dans une association, Agribio Vanne et Othe, pour tenter de convaincre d’autres agriculteurs de s’engager dans une démarche de conversion au bio. « Une dynamique très forte s’est enclenchée, estime Hélène Levieil. Le bio est devenu une possibilité comme une autre, beaucoup moins marginale qu’il y a quelques années. »
Stabilisation des taux de produits chimiques
Eau de Paris multiplie ces actions de soutien à l’agriculture biologique ou à des pratiques raisonnées sur les 240 000 hectares d’aires d’alimentation des captages d’eau souterraine. Avec des conséquences positives sur la qualité de l’eau ? « Pour les nitrates [2], nous sommes autour de 30 mg/l – pour une norme maximale située à 50 mg/l – et les niveaux se sont stabilisés, indique Claude Vigneaux. Concernant les pesticides, les seuils sont parfois dépassés. Globalement, la qualité de l’eau du bassin de la Vanne est stable grâce à toutes les actions que nous menons. Si ces actions n’existaient pas, la qualité de l’eau se dégraderait. » (...)
Si certains pesticides ne sont plus détectés, d’autres apparaissent... ou ne sont pas encore connus. « Nous renforçons notre recherche sur les nouveaux pesticides », explique Christophe Gerbier. « C’est le système global qui devra être remis en cause, estime Célia Bauel, présidente d’Eau de Paris et adjointe à la mairie de Paris. Actuellement, nous payons la dépollution de l’eau et peut-être les coûts de santé. »
Un processus encore long (...)
« Changer radicalement le système à l’échelle globale »
A l’échelle nationale, le défi est encore plus important. « Localement, des initiatives intéressantes sont menées, ajoute Bernard Rousseau. Mais il faut réussir à changer radicalement le système à l’échelle globale. » Le Grenelle de l’environnement et le ministère de l’Écologie ont ainsi déterminé 1000 captages d’eau contaminés à protéger prioritairement. Les aires d’alimentation de ces captages représentent plusieurs centaines de milliers d’hectares. « Les résultats concrets de la protection de ces aires sont jusqu’à maintenant très faibles, avance Bernard Rousseau. La question est politique : c’est celle de la mutation de l’agriculture française majoritairement industrielle vers une agriculture biologique. » Les résistances au changement sont fortes du côté de certains acteurs agricoles, des coopératives, de l’industrie chimique. « La catastrophe est que nous avons accepté la dégradation de la qualité de l’eau brute (en amont) au motif que nous avons des techniques (en aval) pour la traiter. Mais ces technologies sont coûteuses, c’est donc un non-sens économique. Toute activité doit intégrer les coûts des dégradations qu’elle provoque. » (...)