
"Quand des Français viennent en Afrique, on leur déroule le tapis rouge. Certains considèrent encore nos pays comme des colonies. Et nous, Africains, dès qu’on met un pied sur le sol français, on nous chasse. C’est ça le pays des droits de l’Homme ? Nous traiter comme des chiens ? C’est une honte !". Dans un silence de plomb, devant des CRS qui bloquent le passage vers la rue des Cordeliers, dans le centre de Bordeaux, un homme d’une quarantaine d’années, qui marche à l’aide d’une canne, crie son désespoir. Il fait partie de la soixantaine d’hommes qui vivaient dans un squat situé au 18 de la rue des Cordeliers, au cœur du quartier Saint-Michel, que la préfecture de Gironde a fait évacuer, ce mardi matin, avec le concours de la force publique.
L’endroit, une ancienne imprimerie désaffectée de longue date, devenue la propriété d’un promoteur immobilier, était occupé depuis près d’un an par le collectif Le Squid qui l’avait transformé en un lieu d’accueil pour des hommes sans abri, des migrants en majorité. "Cet immeuble était réservé aux hommes majeurs. Une soixantaine de personnes vivaient là en respectant trois règles essentielles : pas de violence, pas de drogue et pas d’alcool", explique Frédéric, un membre du Squid. (...)
L’évacuation du site a surpris ses occupants, dont une vingtaine sont des joueurs de rugby de l’association Ovale Citoyen. Le président et l’ancien président de cette association, Lucas et Jean-François Puech, se sont d’ailleurs rendus sur place, dès qu’ils ont appris la nouvelle. "Nous regrettons de ne pas avoir été alertés en amont, car nous aurions pu prendre des mesures pour sortir les affaires des habitants et tenter de trouver des solutions. Je viens d’avoir un contact avec la mairie de Bordeaux, qui connaissait ce lieu où nous tenions des permanences juridiques et psychologiques. La municipalité non plus ne semble pas avoir été prévenue. Or, que fait-on, ce soir, des 60 personnes qui vivaient là ?", interroge Jean-François Puech. (...)
"En plus de mettre à l’abri des personnes à la rue, cet endroit nous servait à stocker la nourriture pour les six autres lieux que nous avons ouverts dans le centre de Bordeaux et qui abritent, au total, plus de 300 personnes, dont des femmes et des enfants", explique une militante du Squid qui s’interroge, comme d’autres membres de ce collectif, sur la validité de la procédure d’expulsion.
Interrogée, la préfecture précise qu’elle a agi sur la base d’une décision d’expulsion ordonnée par le tribunal d’instance de Bordeaux, le 28 décembre dernier. Toujours selon la préfecture, cinq personnes se trouvaient sur le site à l’arrivée des forces de l’ordre, vers 9h30, ce mardi, et des propositions de relogement ont été faites à trois d’entre elles (...)
Vers midi, ce mardi, les habitants du 18 de la rue des Cordeliers n’avaient pas pu récupérer leurs affaires personnelles qui devaient être transférées dans un garde-meubles, à Bacalan. Seules des personnes bénéficiant d’un traitement médical s’étaient vu remettre leurs médicaments.
Les précisions de la préfecture (...)