
Le 7 décembre dernier, Le Canard enchaîné publiait un article révélant qu’une information judiciaire avait été ouverte au sujet de l’attribution au groupe Bouygues du chantier de la construction du futur ministère de la Défense à Paris. De toute évidence, Bouygues n’a pas apprécié, assignant l’hebdomadaire et plusieurs de ses journalistes en justice et réclamant... 9 millions d’euros.
Mais qu’a donc fait Le Canard enchaîné pour mériter un tel traitement de faveur ? Rien de très original, à vrai dire. L’hebdomadaire satirique s’est seulement permis d’informer ses lecteurs de l’existence d’une information judiciaire (ouverte en février 2011) visant les conditions d’attribution du chantier du « Pentagone à la française », comme le nomme le gouvernement. Un chantier de 3,5 milliards d’euros qui a été confié au consortium Opale Défense, détenu par Bouygues Bâtiment Ile-de-France (16 %), Thalès (6 %), Sodexo (6 %) et des banques (34 % pour la Caisse des Dépôts et 33 % pour Dexia, Natixis, BPCE), mais dont le mandataire unique est Bouygues. (...)
Or, d’après les renseignements obtenus par Le Canard, un haut responsable de la Défense aurait fait parvenir le cahier des charges du futur projet à Bouygues avant de le transmettre à ses concurrents, ce qui est une entorse aux règles « normales » de la compétition. Le procureur de la République a confirmé, d’après Le Canard, l’existence d’une information judiciaire pour « corruption active et passive », « trafic d’influence » et « atteinte à la liberté d’accès et à l’égalité des candidats dans les marchés publics ». Rien que ça. (...)
De toute évidence il ne s’agit, ni plus ni moins, que de tenter de faire taire Le Canard et de lancer un avertissement à d’éventuels autres médias qui auraient la mauvaise idée d’évoquer d’hypothétiques malversations du géant du béton. (...)
En attendant le soutien de TF1, Le Canard ne cède pas, et a même contre-attaqué en publiant, chaque semaine depuis début décembre, un nouvel article sur Bouygues. Acrimed n’a pas les moyens de vérifier les informations rapportées par l’hebdomadaire satirique. Mais une chose est sûre : nous sommes à ses côtés face aux attaques du géant Bouygues, et nous espérons que le verdict du procès, rendu le 14 mars, sera un camouflet pour tous ceux qui tentent de museler la presse d’information. (...)