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Reporterre
« C’est à partir du changement climatique qu’il faut repenser le projet européen »
Entretien avec José Bové
Article mis en ligne le 18 mai 2014
dernière modification le 12 mai 2014

Les élections européennes sont un rendez-vous essentiel pour l’écologie politique. Pour y réfléchir, Reporterre interroge les candidats qui se revendiquent de l’idée écologique : Jean-Luc Mélenchon, Pierre Larrouturou, Corinne Lepage. C’est José Bové qui ouvre le bal.

Reporterre – Pourquoi parle-t-on si peu d’Europe ?

José Bové - Parce qu’on est dans un temps très court. La question européenne a été mise au deuxième plan avec les élections municipales, le remaniement gouvernemental et le débat sur les 50 milliards. Et puis on se retrouve entre des gens qui veulent détruire l’Europe, qui veulent le repli national, et, de l’autre côté ceux qui veulent régler leur compte avec Hollande, et se servent de l’élection européenne comme d’un troisième tour.

Quel bilan tirez-vous de votre expérience de député au cœur des Institutions européennes ?

Le Parlement européen a aujourd’hui les moyens – si la volonté politique y est - de peser. On a pu renvoyer la Commission dans les cordes, par exemple à propos du traité ACTA (Anti-Counterfeiting Trade Agreement ), de la protection des données personnelles, des OGM, de la viande clonée. On est parvenu à créer des majorités et à gagner des batailles. En tant que groupe écologiste, on a un vrai pouvoir. Mais quelle est l’attitude des autres groupes ? Sur la question du budget, le PPE - c’est la droite -, les socio démocrates et les libéraux se sont alliés pour accepter la réduction du budget européen. Or sans un véritable budget, il n ‘y a pas de politique possible.

Cela dresse un bilan négatif : on peut gagner des batailles, mais pas influencer le cœur de la politique suivie.

Une majorité d’élus dans ce Parlement aujourd’hui ne veut pas assumer son pouvoir. Et cela parce qu’énormément de parlementaires sont liés à une vision nationale, à la position de leur parti dans leur pays. Alors qu’il faudrait un esprit de citoyenneté européenne pour dépasser ces visions nationales. (...)

La droite est aujourd’hui dans une logique inter gouvernementale plus que dans le projet d’une Europe fédérale. De la même manière, la gauche est incapable de se projeter en avant

Quand vous parlez de la gauche, il s’agit du PSE, des « socialistes » ?

Oui. Les socio démocrates sont dans une ambiguïté totale. Ils soutiennent un candidat, Martin Schultz, qui dit « je suis pour le fédéralisme », mais tout ce qu’il a fait en tant que président du Parlement européen s’est aligné sur les politiques nationales inter gouvernementales. Il n’y a pas aujourd’hui dans ces formations politiques de volonté de sortir. Mais les majorités qui se dégagent au Parlement européen sont liés aux choix des citoyens. Ce n’est pas l’Europe ou le Parlement qui est fautif. C’est le choix électoral.

Mais si, c’est bien l’Europe au sens des institutions européennes, que vous décrivez très bien dans Hold up sur l’Europe. Votre livre critique vertement la machine bruxelloise, avec les lobbies au cœur des institutions européennes.

Pourquoi les lobbies sont-ils au niveau européen ? C’est parce que c’est là que sont les enjeux. Les vrais enjeux de pouvoir ne sont pas dans chaque pays : aucun pays européen – même l’Allemagne dans vingt ou trente ans - ne comptera seul dans les rapports de force internationaux. Si l’on veut construire un modèle social, un modèle écologique alternatif au modèle dominant, cela ne peut se faire que dans le cadre européen. Croire que dans un seul pays, on fera le socialisme, on fera l’écologie, est un leurre.

Il faut être à la fois radical et pragmatique. Etre capable de construire des rapports de force et de les gagner. Ce que j’ai essayé de montrer dans ce livre est qu’on peut gagner des batailles, y compris contre les lobbies. Les lobbies ne doivent pas servir d’épouvantail pour dire qu’on ne peut rien parce qu’ils sont partout !

La question c’est de savoir comment agissent les ONG, la société civile, les mouvements sociaux. Et comment les députés, en lien avec ces mouvements, agissent pour prolonger leurs combats. (...)

Ce n’est pas parce que l’Europe aujourd’hui a un modèle néo-libéral que l’Europe est en soi néo-libérale. Le projet européen et le néo-libéralisme ne sont pas la même chose ! Au départ, l’Europe était un processus d’intégration. Après, on assume ou pas. Par exemple, est-on capable de dire qu’il faut absolument un budget européen autonome ? (...)