Si nous continuons à laisser les émissions de GES (gaz à effet de serre) augmenter d’année en année, le réchauffement planétaire va bouleverser notre monde. Pour que ce désastre se concrétise, il nous suffit de ne rien faire et de poursuivre sur notre lancée en attendant le salut des technologies ou en nous persuadant que nous sommes malheureusement trop occupés pour prendre la situation en main.
Mais si un nombre suffisant d’entre nous cesse de détourner les yeux et décide que le dérèglement climatique est une crise grave nécessitant une intervention de l’ordre du plan Marshall, elle sera perçue comme telle, et la classe politique n’aura d’autre choix que de réagir. Paradoxalement, cette crise pourrait devenir un catalyseur de changements bénéfiques et le meilleur argument pour faire valoir les revendications progressistes.
La crise du climat pourrait en effet offrir la possibilité de :
- rebâtir et raviver les économies locales
- libérer nos démocraties de l’emprise destructrice des géants du secteur privé
- empêcher l’adoption d’accords de libre échange et renégocier ceux en vigueur
- investir dans les infrastructures publiques (transports en commun, logement social)
- se réapproprier les services publics essentiels (énergie, eau)
- assainir le secteur agricole
- ouvrir nos frontières aux réfugiés climatiques
Et ainsi mettre fin aux extravagantes inégalités sociales et territoriales qui déchirent le monde actuel. (...)
l’objectif des 2 degrés est d’ores et déjà utopique. Les climatologues nous ont pourtant prévenus : « Un réchauffement de 4° est incompatible avec toute représentation raisonnable d’une communauté mondiale organisée, équitable et civilisée. » Il entrainerait d’innombrables catastrophes (hausse du niveau de la mer, vagues de chaleur, baisse des rendements agricoles, sécheresses, inondations, invasions de parasites, ouragans, feux de forêt, fonte du permafrost avec dégagement de méthane, etc.).
Alors pourquoi rien n’est fait pour prévenir ce désastre mondial ?
Si le nécessaire n’a pas encore été fait pour réduire les émissions, c’est parce que les politiques à mettre en œuvre sont incompatibles avec le capitalisme dérèglementé. (...)
De fait, les difficiles négociations sur le climat se sont enlisées avant d’échouer lamentablement, alors que la mondialisation de l’économie a volé de victoire en victoire, établissant un cadre politique mondial qui garantit un maximum de libertés aux multinationales. Ses trois piliers sont bien connus : privatisation du secteur public, dérèglementation des marchés, et allègement du fardeau fiscal des entreprises financé par la réduction de la dépense publique. Les mesures climatiques les plus évidentes sont désormais considérées comme une hérésie politique, alors que l’exportation massive de produits sur de très longues distances (brûlant sans relâche des combustibles fossiles) et la généralisation au monde entier d’un modèle de production, de consommation et d’agriculture fondé sur le gaspillage (et sur l’utilisation massive de combustibles fossiles) paraissent normales.
Notre système économique est en guerre contre la planète et ses nombreuses formes de vie, y compris humaine. La bataille fait rage et, pour le moment, le capitalisme l’emporte haut la main. Notre dilemme est le suivant : soit nous laissons le bouleversement du climat transformer radicalement le monde, soit nous transformons radicalement l’économie pour éviter le bouleversement du climat. (...)
La tâche consiste non seulement à élaborer un programme politique alternatif, mais aussi une vision du monde différente, fondée sur l’interdépendance plutôt que sur l’hyper-individualisme, sur la réciprocité plutôt que la domination, sur la coopération plutôt que sur la hiérarchie.
Et n’oublions pas ! Ce que les remontées de résistance d’une société animée par une volonté de changement ont de plus frappant, c’est qu’elles surviennent souvent au moment où l’on s’y attend le moins …