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Caméra, pourquoi sans répit m’épies-tu ?
Vous êtes filmés ! Enquête sur le bluff de la vidéosurveillance, Armand Colin, 2018.
Article mis en ligne le 27 mai 2018
dernière modification le 24 mai 2018

Des caméras partout, mais pour quoi et à quel prix ? Cette police électronique tient-elle les promesses de ses promoteurs ? Aucune étude sérieuse n’avait encore été menée sur le sujet. Docteur ès délinquance, Laurent Mucchielli y a jeté un œil [1].

La vidéosurveillance a connu un boum sous Nicolas Sarkozy. Et aujourd’hui, les caméras sont légion : selon les calculs de Laurent Mucchielli, la France en compterait pas moins de 1,5 million. Un maillage serré, pourtant loin de tenir les promesses de ses promoteurs. Le chercheur souligne ainsi, au fil de son enquête de terrain dans trois villes du sud de la France, le peu de délits élucidés par ce moyen : moins de 2 %. Ce qui fait cher le coup de filet.

La ville de Nice possède une caméra pour 600 habitants. Pas moins de 125 fonctionnaires scrutent les écrans du Centre de supervision urbaine (CSU). Ce dispositif coûte 10 millions d’euros par an. Une bagatelle dans cette ville de riches oisifs... En revanche, on peut s’étonner qu’un camion puisse rouler à tombeau ouvert sur la promenade des Anglais en plein 14 juillet. Le maire, Christian Estrosi, n’avait-il pas déclaré après les attentats de Charlie Hebdo, le 19 janvier 2015, être « à peu près convaincu que si Paris avait été équipé du même réseau que le nôtre, les frères Kouachi n’auraient pas passé trois carrefours sans être neutralisés et interpellés » ? Visiblement, les Niçois aiment qu’on leur mente. Même chose à Levallois-Perret, la ville du probe Balkany, qui fut le premier à installer ce type de matériel. Le 9 août 2017, un terroriste y frappe des militaires. La caméra filme tout, mais n’empêche rien. La preuve est encore faite. (...)

Mucchielli zoome ensuite sur Brice Hortefeux qui, quand il était ministre de l’Intérieur, a largement publicisé des rapports favorisant la vidéosurveillance. Dans quel but ? Nos politiciens et leurs amis ont-ils des intérêts dans des sociétés commercialisant de tels dispositifs ? Parfois oui, mais la raison n’est pas suffisante. Il s’agit plutôt d’un grand bluff pour donner l’impression de contenir une délinquance qui, soit dit en passant, diminue dans le pays.

Surveiller les surveillants

Impartial, Mucchielli se penche aussi sur des villes réputées de gauche, telles Saint-Étienne ou Lyon, et s’interroge avec la Chambre des comptes sur le bénéfice de telles installations. Certes, l’acceptabilité sociale a été travaillée. Les faits les plus marquants exploités. Les caméras installées. Les citoyens bernés. Mais aucune évaluation n’a été faite. À Avignon, autre ville très surveillée et endettée, un audit de 2014 a montré que seul un quart des caméras fonctionnait. La sécurité dans la cité des Papes est aussi une rhétorique. L’œil du divin y pourvoit.

Comment expliquer, encore, que des villages reculés aient recours à la vidéosurveillance alors qu’aucune affaire – si ce n’est une poubelle renversée ou un étron canin devant l’école – n’y défraye la chronique ? (...)

L’avenir de la vidéosurveillance serait dans la verbalisation des automobilistes. Nice s’y est mise à vitesse grand V. Marseille suit avec retard. Le coût pour le citadin est phénoménal. Il paye pour être surveillé sans résultat tangible et son sentiment d’insécurité ne fait que croître. C’est con, quand même !