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Caméras-piétons : un outil contre les violences policières, ou au service des forces de l’ordre ?
Article mis en ligne le 24 novembre 2018
dernière modification le 22 novembre 2018

Les caméras-piétons, qui permettent à des agents de police ou de sécurité de filmer leurs intervention en direct, ont le vent en poupe : outre la police nationale, fortement équipée, le dispositif tend à s’étendre aux policiers municipaux, aux agents de la SNCF et de la RATP, voire à des agents de sécurité privée. Mais leur utilisation soulève de nombreuses questions : qui doit les déclencher, et surtout à quel moment ? Comment les images seront-elles utilisées, et au profit de qui ? Face à la généralisation de ce nouvel outil de surveillance, un véritable débat public et démocratique semble plus que jamais nécessaire.

C’est un petit objectif, fixé à la boutonnière. Lorsqu’il est activé, il enregistre l’image ainsi que le son. La caméra-piéton sera bientôt l’élément tendance de l’équipement de n’importe quel professionnel de la sécurité. Le rapport des députés La république en marche (LRM) Alice Thourot et Jean-Michel Fauvergue, rendu le 11 septembre 2018 au premier ministre, préconise leur utilisation par les gardes champêtres et les agents de surveillance de la voie publique. Il propose également cet équipement pour les agents de sécurité privée, avançant le fait que « leur action serait facilitée et gagnerait en efficacité s’ils étaient autorisés à être munis de caméras-piétons », sans plus de détails pour l’instant. Début août, une loi a pérennisé leur usage pour les policiers municipaux, et a ouvert la porte à des expérimentations pour les sapeurs-pompiers et les surveillants de prison.

Aujourd’hui, des policiers et des gendarmes portent déjà des caméras-piétons. 2078 caméras ont été acquises par la police nationale lors d’une expérimentation, auxquelles s’ajoutent 10 400 caméras supplémentaires dans le cadre d’un « déploiement massif ». Les contrôleurs de la RATP et de la SNCF peuvent également s’en servir, dans le cadre, la encore, d’une expérimentation. Les agents du service interne de sécurité de la SNCF utilisent 40 caméras depuis février 2018. La RATP devrait commencer l’expérimentation « d’ici la fin de l’année ». Sapeurs-pompiers, surveillants pénitentiaires et policiers municipaux ne pourront en utiliser qu’une fois parus les décrets d’application de la loi votée début août.

Marseille et Nice en pôle position (...)

Parmi les dix villes les plus peuplées de France, seules Paris, Lyon, Toulouse, et Strasbourg n’ont pas testé le dispositif. Les municipalités des 18 villes de plus de 100 000 habitants ayant obtenu une autorisation sont aussi bien de gauche (huit ont des maires socialistes ou communistes) que de droite (...)

Comment les caméras sont-elles utilisées ? La réponse n’est pas simple. L’article L241-1 du code de la sécurité intérieure, qui encadre leur usage, précise que les caméras peuvent être déclenchées « lorsque se produit ou est susceptible de se produire un incident, eu égard aux circonstances de l’intervention ou au comportement des personnes concernées ». Une formulation légèrement floue que la Commission nationale de l’informatique et des libertés (Cnil) avait critiqué dans son avis rendu en 2016 [1]. La Cnil demandait l’élaboration d’une doctrine pour préciser les conditions d’enregistrement, notamment dans les lieux privés.

Enregistrement systématique des contrôles d’identité (...)

Dans une seule situation, l’enregistrement doit être systématique : lors des contrôles d’identité. L’expérimentation a été votée en 2016, pour remplacer les récépissés de contrôle d’identité, promesse du candidat Hollande en 2012 finalement enterrée. Dans plusieurs « zones de sécurité prioritaire », tous les contrôles d’identité doivent donner lieu à un enregistrement avec une caméra-piéton, si celle-ci fonctionne. Le compte-rendu de cette expérimentation n’a pas encore été publié, mais la direction de la police nationale nous indique que « le bilan de l’expérimentation de l’enregistrement des contrôles d’identité fait ressortir notamment que les caméras sont un moyen de crédibiliser l’action des policiers, de pacifier certaines situations difficiles et au besoin de conserver une trace des conditions de leurs interventions, en l’occurrence du déroulement des contrôles d’identité ».

Flou artistique sur les conditions du déclenchement (...)

La SNCF avait, quant à elle, précisé dans une réponse à la Cnil les conditions dans lesquelles la caméra pouvait être déclenchée. Elle évoque pêle-mêle : « l’agressivité ou la violence des personnes concernées », l’infériorité numérique des agents, la présence dans un lieu « présentant un risque particulier », ou encore les flagrants délits.