
Nous sommes cinq dans cette pièce, dont un bébé complètement recouvert d’un tissu. Parfois, pour n’avoir pas vu le moindre mouvement, il m’est arrivé de soulever le voile comme on le ferait d’un linceul. Nous sommes des milliers dans ces camps à être recroquevillés dans une manifestation géante que le monde ignore.
...Ne m’effleure même pas l’absence de potabilité de l’eau du camp. Je sais qu’elle ne répond pas aux normes de consommation animale dans les pays dits riches. Une responsable de la wilaya me l’a confirmé le jour ou les camions d’approvisionnement ont dû doubler leur rotation pour subvenir à la consommation estivale. On allait donc distribuer deux fois plus d’eau impropre à la consommation....
...Nous sommes des milliers dans ces cercles de silence spontanés en plein désert.
Et nous sommes pourtant si seuls, chacun avec sa bouche sèche, sa salive déposée en pâte au palais ou sur l’émail des dents, ses mouches venant au coin des yeux ou des lèvres comme en un puits à sec.
Si nombreux et si seuls au bord de cette torpeur, comme si dans un instinct de survie, chacun devait laisser croire à la mort qui passe qu’il l’est déjà et qu’il n’est pas besoin du coup de grâce.
Si nombreux et si seuls à répondre à cet appel au calme en nous-mêmes lancé par ce souffle si chaud qu’on le croirait sorti d’un four....
Quels crimes ont commis ces enfants, ces femmes, ces hommes, ces vieillards pour mériter d’endurer depuis 35 ans ces conditions ?
Faudra t’il un jour leur demander comment survivre, lorsque notre folie mondialiste et destructrice amènera les générations à venir à vivre ces conditions, parce que nous n’aurons pas su respecter les Droits Humains et notre environnement ?...
...Jamais les sahraouis ne laisseront un inconnu sans l’ombre bienfaitrice de l’hospitalité, sans l’offrande d’un bol de lait coupé d’eau ou des trois verres de thé traditionnels.
Que leur offrons-nous en retour ? ...