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Canal+ veut garder le mot « planète » pour lui tout seul
Article mis en ligne le 11 janvier 2021

Depuis quelques années, le groupe Canal+, qui a déposé la propriété intellectuelle du mot « planète », s’oppose systématiquement à chaque entreprise ou association qui l’utiliserait. Aujourd’hui, les exemples se comptent par dizaines. Ainsi, Laure Ansart a créé l’association Run For Planet en février 2020. « Le but de notre association est de planter quinze millions d’arbres en Sibérie, explique-t-elle à Reporterre. Un coureur va aller de Montreuil-sur-Mer jusqu’à Vladivostok en six mois. Il fera quinze millions de foulées, ce qui correspond au nombre d’arbres qu’on va planter là-bas. » La marque a été déposée en mai, Laure Ansart a créé des podcasts et utilisé le nom Run For Planet dans toute sa communication : affichettes, courriels, site web… Mais en juin, elle a reçu un courrier de Canal+ lui expliquant que le nom de son association peut être confondu avec la chaîne Planète+. « C’était une histoire de dingue, personne ne nous croyait quand on la racontait ! On a bien essayé de contacter la chaîne, mais en vain. On va perdre un temps fou pour notre projet si on doit repartir de zéro », soupire Laure Ansart.

Depuis quelques années, le groupe Canal+, qui a déposé la propriété intellectuelle du mot « planète », s’oppose systématiquement à chaque entreprise ou association qui l’utiliserait. Aujourd’hui, les exemples se comptent par dizaines. Ainsi, Laure Ansart a créé l’association Run For Planet en février 2020. « Le but de notre association est de planter quinze millions d’arbres en Sibérie, explique-t-elle à Reporterre. Un coureur va aller de Montreuil-sur-Mer jusqu’à Vladivostok en six mois. Il fera quinze millions de foulées, ce qui correspond au nombre d’arbres qu’on va planter là-bas. » La marque a été déposée en mai, Laure Ansart a créé des podcasts et utilisé le nom Run For Planet dans toute sa communication : affichettes, courriels, site web… Mais en juin, elle a reçu un courrier de Canal+ lui expliquant que le nom de son association peut être confondu avec la chaîne Planète+. « C’était une histoire de dingue, personne ne nous croyait quand on la racontait ! On a bien essayé de contacter la chaîne, mais en vain. On va perdre un temps fou pour notre projet si on doit repartir de zéro », soupire Laure Ansart. (...)

« Une stratégie dite de poursuites-bâillons »

Le refus par le groupe Canal+ de l’utilisation de ce mot ne date pas d’hier. En 2008, avant l’ère Bolloré [1], Yolaine de la Bigne, fondatrice de la revue en ligne Néoplanète, a subi des pressions exercées par Canal+ (...)

En 2013, c’était au tour du journaliste du Parisien Philippe Lemaire de faire les frais du service juridique de la chaîne cryptée et d’arrêter son blog Planète polars, suivi par 86.000 personnes. (...)

Aujourd’hui, le groupe Canal+ semble être passé à la vitesse supérieure. Pour l’avocat Alexandre Faro, contacté par Reporterre, cela ressemble à « une stratégie dite de “poursuites-bâillons” copiée sur la technique américaine, qu’on appelle là-bas le Slapp (Strategic Lawsuit Against Public Participation). En multipliant les poursuites contre des associations qui ne constituent pas une menace concurrentielle pour elle, l’entreprise teste en réalité son autorité sur une marque qui, par ailleurs, ne présente aucune originalité ». (...)

Touché par le même problème et scandalisé par la privatisation du mot planète, le fondateur de Planète Amazone, Gert Peter Bruch, a créé avec d’autres un collectif baptisé Notre planète à tous pour mieux résister aux déferlantes judiciaires. Le 27 novembre 2020, le collectif a publié une tribune sur le site du journal Marianne pour « défendre l’usage du mot commun à forte valeur de symbole qui désigne notre Terre contre toute forme d’accaparement ». Une douzaine d’entreprises et d’associations participent au collectif, dont Yann Artus-Bertrand (fondateur de GoodPlanet) : « Cette histoire est incroyable, dit à Reporterre le célèbre photographe. De notre côté, nous n’avons pas eu de courrier de menace. Sans doute parce que nous sommes une fondation et que c’est plus difficile de nous attaquer. Mais tout cela est insensé. Je ne pense pas que Canal+ aille jusqu’au bout. »

Pourtant, les marques d’une vingtaine d’association et de petites entreprises ont déjà purement et simplement disparu à la suite de ces pressions (...)

En 2018 pourtant, le tribunal de grande instance de Nanterre a déchu le groupe Canal+ de sa marque pour les classes 16 (produit de l’imprimerie), 35 (publicité) et 41 (éducation, formation, divertissement). À l’origine de cette décision, Paul-Éric Crivello, le créateur du magazine Planète oiseaux, avait contesté directement l’opposition du groupe Canal+. Ce procès gagné a créé une jurisprudence, mais le jugement n’empêche cependant pas le groupe de poursuivre ses attaques (...)

Contacté par Reporterre, le groupe Canal+ a répondu : « Nous ne faisons pas de commentaires. »