
Dans un monde parfait, cet article n’existerait pas, parce que la Journée internationale des droits des femmes n’aurait pas lieu d’être. Dans un monde juste un peu moins parfait, cet article n’existerait pas non plus, parce que tout le monde aurait bien compris depuis fort longtemps le principe de cette journée du 8 mars. Mais comme ce monde est loin, très loin d’être idéal, il semble qu’un nouveau rappel soit nécessaire.
Chaque année, sur les réseaux sociaux comme sur le terrain, on peut constater à quel point les militantes sont épuisées après le 8 mars... voire avant. Certaines jurent qu’on ne les y reprendra plus. D’autres ont juste envie de tout brûler. La fatigue militante semble atteindre son paroxysme, parce qu’au-delà des manifestations globalement réussies, il y a ce sentiment que les choses n’avancent pas, et qu’une partie de la population et des institutions continue à ne rien piger.
En 2017, Nadia Daam avait notamment répertorié les opérations publicitaires foireuses lancées à l’occasion de cette journée du 8 mars, qui relevaient autant d’un opportunisme de bas étage que d’une absence totale de jugeote. D’année en année, les marques reproduisent le même genre d’erreurs, comme cette année Mauboussin avec un spot télévisé proposant des réductions sur les bagues pour la « fête de la femme »...
Ne mettez pas de rouge
En offrant des bouquets de fleurs ou en arborant du rouge à lèvres, les hommes cisgenres ont souvent cru bien faire mais se sont totalement mis le doigt dans l’œil. (...)
les hommes devraient juste se taire, ouvrir grand leurs oreilles, et se rendre utiles. Point final. S’il y a bien un jour dans l’année où il convient de ne pas se montrer outrageusement romantique ou libidineux, c’est bien celui-là.
Parce que cela semble encore nécessaire, on rappelle qu’il ne s’agit pas de la « Journée de la femme », appellation qui pourrait effectivement entretenir un certain flou, mais bien de la Journée internationale des droits des femmes. (...)
Bien que son ton soit enjoué, Irene est très sérieuse lorsqu’elle prévient : « Le premier qui se met à l’avant du cortège, je lui casse la gueule. » L’autrice de La Terreur féministe se souvient des manifestations de l’an dernier : « À Paris, le 7 mars, on avait fait une marche de nuit sans mecs cisgenres, et c’était vraiment trop cool. Comme par hasard, la marche du lendemain était ouverte à tout le monde, et il y a eu embrouille sur embrouille. Des mecs se mettaient en avant du cortège, prenaient les micros. Ils ont insulté les meufs qui leur demandaient de moins se faire remarquer... »
Pour les aider à comprendre pourquoi ils ne doivent pas apparaître en première ligne, Irene rappelle tout simplement que « le féminisme ne les concerne pas directement. Ils peuvent être soutiens et alliés, mais ils ne sont pas les sujets des luttes. Au lieu de s’ériger en sauveurs, ils doivent se demander comment faire pour apporter une aide efficace et concrète. Par exemple en gardant les enfants. »
Une bonne fois pour toutes, Fiona Schmidt aimerait que les hommes cessent de se considérer comme les victimes innocentes d’accusations qui ne les concernent pas : « Ce ne sont pas des individus qu’on met en cause et qu’on veut changer, c’est un système. Et on n’y arrivera pas si vous continuez de faire de nos revendications légitimes une affaire personnelle. » (...)
« On a beaucoup parlé de libération de la parole, mais en fait, cette parole était déjà là, explique l’activiste Elvire Duvelle-Charles (Clit Révolution). On est davantage dans une révolution de l’écoute. C’est pour cela qu’il faut se taire. La priorité est à l’écoute et à la compréhension de l’autre. Il faut laisser la place à d’autres paroles, prendre le temps d’écouter et d’assimiler ce qui est dit, sans le remettre en question. On n’a pas besoin de mecs qui montrent patte blanche, ou qui ne font un effort que le 8 mars. Une fois que tu as entendu, il faut appliquer... » (...)
« J’aimerais aussi qu’ils l’ouvrent quand, dans la rue, une femme se fait harceler, ou quand une meuf reçoit des propos misogynes sur un plateau télé. Nous sommes fortes, autonomes, responsables, nous menons notre combat, et nous n’avons pas besoin d’un homme cisgenre pour nous expliquer comment le gérer. En revanche, leur soutien est bienvenu. Un soutien utile, et non oppressif. » (...)
Rehin Hollant invite donc les hommes à créer leurs propres cercles, le 8 mars ou un autre jour, afin de discuter ensemble et de s’éduquer collectivement sur les questions liées au genre. L’idée est que les hommes participent activement à la recherche des meilleurs moyens d’éradiquer notamment les violences sexistes et sexuelles... le tout sans rejeter systématiquement la responsabilité sur leurs congénères. (...)
Dans un monde parfait, le fait que cet article soit signé par un homme ne devrait pas influer le moins du monde sur leur envie de cliquer pour le lire. Mais c’est pourtant bien ce qui va se produire, preuve que les choses n’avancent pas aussi vite que ce que l’on aimerait croire.