
Sacro-sainte lorsqu’il s’agit de défendre des caricatures ou des pamphlets islamophobes, la liberté d’expression perd tout son charme dès qu’il s’agit d’exprimer le refus des violences policières, la critique de la mythologie du Français « de souche » ou le soutien aux sans-papiers : le 10 juin prochain, Gérard Chevrot, Valérie Martinez, Yves Ribault et trois autres citoyen-ne-s français-e-s comparaîtront au tribunal de grande instance de Pau pour « outrage à personne dépositaire de l’autorité », suite à une plainte du préfet Philippe Rey, pour avoir simplement adressé à la Préfecture des Pyrénées-Atlantique des mails de protestation contre les arrestations, détentions et expulsions de sans-papiers en employant le mot « rafle » ou les noms propres « Vichy » et « Papon » [1]. En réaction à cette nouvelle tentative de criminalisation du mouvement social et de la solidarité, et en soutien aux incupé-e-s, nous republions un texte d’Emmanuel Blanchard consacré à ce fameux « mot interdit » : rafle.
...La colère et les leçons lexicales d’Éric Besson ne visaient pas à rétablir une vérité historique malmenée par la fiction et les prises de position militantes. Elles participaient d’un mouvement plus large de police du langage qui consiste, pour les pouvoirs publics, à assigner devant les tribunaux les artistes et les militants qui auraient des velléités de replacer les « bavures » policières dans un contexte chronologique élargi à certaines des périodes dites sombres de l’histoire française...