
(...) La plus grande crainte actuellement est de voir s’étioler la paix qu’a connue le Burundi pendant une décennie depuis la fin de la guerre civile qui a ravagé le pays de 1993 à 2005, ce qui déclencherait de nouvelles vagues de réfugiés et risquerait d’étendre le conflit aux pays voisins.
« L’enjeu est de taille pour le Burundi, mais aussi pour la région dans son ensemble », a dit Sarah Jackson, directrice régionale adjointe d’Amnesty International, lors du séminaire. (...)
Voici cinq risques particulièrement inquiétants :
Tensions ethniques
La guerre civile a opposé des rebelles de la majorité hutu (85 pour cent) du pays contre la minorité tutsi qui prédominait au sein du gouvernement et de l’armée. Ce déséquilibre a été corrigé en 2000 par les accords d’Arusha qui ont mis fin à la guerre et imposé des quotas ethniques à l’armée et au gouvernement.
Ce ne sont pas tant des divisions ethniques entre Hutus et Tutsis qui ont marqué les récents troubles, mais plutôt une division entre sympathisants et opposants de M. Nkurunziza, qui était un commandant rebelle pendant la guerre.
Le gouvernement aurait cependant présenté ses opposants comme étant principalement des Tutsis et, à en croire les rumeurs, les Imbonerakure, la jeunesse du parti au pouvoir, se seraient attaqués aux Tutsis. M. Nkurunziza et M. Niyombare sont tous deux des Hutus. (...)
Guerres régionales par alliés interposés
Le président rwandais a affirmé que les combattants des Forces démocratiques de libération du Rwanda (FDLR), un groupe rebelle hutu basé en République démocratique du Congo (RDC), avaient pénétré sur le territoire burundais « et pourraient être directement impliqués » dans les affrontements. Les FDLR sont présents en RDC depuis 1994. Certains de leurs combattants ont participé au génocide rwandais. Leur raison d’être reste le renversement du président du Rwanda, Paul Kagame, un Tutsi.
Les remarques de M. Kagame critiquant son homologue burundais pour sa mauvaise gestion de la situation ont été interprétées comme une menace voilée d’envoyer des troupes de l’autre côté de la frontière. (...)
Exode de réfugiés
Même avant le coup d’État, de nombreux Burundais se sont réfugiés dans les pays voisins : le Rwanda, la RDC et la Tanzanie. Une grande partie d’entre eux craignaient d’être attaqués par les Imbonerakure. D’autres ont dit à la BBC que c’était les graves pénuries alimentaires qui les avaient poussés à fuir.
Selon le Haut Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés (HCR), 55 000 Burundais ont fui vers ces pays au cours des six dernières semaines. (...)
La majorité des personnes fuyant le Burundi sont des femmes et des enfants, dont un grand nombre d’enfants non accompagnés, a dit Adrian Edwards, porte-parole du HCR.
La Tanzanie accueille un grand nombre de réfugiés depuis plusieurs dizaines d’années et a récemment accordé la citoyenneté à beaucoup d’entre eux. Mais, ces dernières années, le pays s’est fait moins accueillant. (...)
Le HCR, le Programme alimentaire mondial, l’UNICEF et OCHA, l’organe de coordination humanitaire des Nations Unies, sont en train de mettre au point un plan d’action régional pour les réfugiés qui devrait être prêt d’ici la fin mai. Selon le scénario le plus pessimiste du HCR, ce sont 300 000 personnes qui risquent de fuir le pays.
Une armée divisée
Selon Mme Jackson, l’armée reconstituée était « l’un des meilleurs produits » des accords d’Arusha de 2000. Ses troupes ont été bien accueillies lorsqu’elles se sont déployées dans les rues de Bujumbura lors des récentes manifestations, contrairement à la police, qui est intervenue avec brutalité, causant même des morts. (...)
Après le coup d’État, cependant, des divisions sont vite apparues entre ceux qui y sont favorables et ceux qui soutiennent M. Nkurunziza. Les deux camps se sont affrontés pour le contrôle de la capitale et notamment de la radio nationale.
Des négociations auraient toutefois eu lieu entre les deux factions de l’armée.
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Violations des droits de l’homme et de la liberté de la presse
Lors du séminaire de l’IES, Mme Jackson a averti que le Burundi était « à deux doigts d’une crise des droits de l’homme ». Avant le coup d’État, les principales préoccupations concernaient la violente répression des manifestations, les atteintes à la liberté d’expression, illustrées par les restrictions imposées aux stations de radio indépendantes, et les actions des Imbonerakure, dont les membres semblent jouir depuis longtemps d’une certaine impunité.
Après le coup d’État, les locaux de trois différents médias ont été attaqués par les forces loyalistes. Le plus populaire, à savoir la Radio publique africaine, a été incendié après avoir diffusé l’annonce de coup d’État de M. Niyombare. Réduite au silence par le gouvernement depuis fin avril, la radio venait d’être rouverte mercredi par les sympathisants du général.
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