
Oh, sublime hypocrisie des médias traditionnels européens ! Les mêmes technologies, glorifiées pendant le “Printemps arabe” pour avoir fait chuter à elles seules des dictateurs, sont maintenant au cœur d’une panique morale sans précédent pour avoir soi-disant alimenté les émeutes britanniques d’août 2011.
(...)Oh, le raffinement exquis de l’art ancestral du deux poids deux mesures ! La même presse conservatrice qui s’indignait de la censure des communications en ligne par les dictateurs en appelle désormais à la suppression pure et simple de pans entiers des réseaux de télécommunication – comme le montre ce papier du Daily Mail. (...)
Le fait est que la panique morale au sujet des réseaux sociaux est le reflet spéculaire de l’enthousiasme aveugle pour ces mêmes technologies. Tous deux émergent du même déterminisme technologique qui acclame les nouveaux gimmicks et buzzwords pour gommer les motivations économiques et sociales des émeutes. Ceci dit, que pouvons-nous, en tant que sociologues, dire du rôle des médias sociaux et de la manière dont ils auraient aidé, voire encouragé la propagation du conflit politique ? Très peu en réalité, dans la mesure où nous n’avons pas de données concernant l’utilisation réelle des réseaux sociaux pendant les émeutes. Il faudrait des mois pour rassembler ces données – et qui peut attendre si longtemps dans un environnement médiatique qui recrache des analyses bâclées à longueur de journée ? (...)
Ça n’est pas notre rôle de juger les politiciens et l’autorité policière lorsqu’ils désapprouvent les « justifications sociologiques » des émeutes au Royaume-Uni ou lorsqu’ils réduisent les sciences sociales à – au mieux – un luxe que nous ne pouvons pas nous offrir en temps d’agitation. Leur position qui se résume à agir d’abord et réfléchir ensuite, même si elle peut être motivée par de bonnes intentions, peut mener à des choix politiques malavisés – comme c’est le cas pour la censure sur Internet que nous avons choisi de traiter ici. (...)
Nous avons essayé de démontrer que, même en l’absence de données empiriques, les sciences sociales peuvent toujours nous aider à interpréter la façon dont un facteur social entre en jeu, et peut-être éviter de renoncer à nos valeurs démocratiques et à la liberté d’expression pour un sentiment de sécurité illusoire.(...) Wikio