
En novembre-décembre 1995, des millions de personnes se mobilisèrent contre le plan Juppé sur les retraites et la Sécurité sociale. Le traitement de cette mobilisation par les grands médias permit de mettre au jour une autre mobilisation, celle-ci en faveur des intérêts des différentes fractions de la classe dominante. Cette (contre-) mobilisation permanente est celle d’un petit groupe médiatiquement omniprésent et composé d’une vingtaine d’individus, les éditocrates épinglés par Serge Halimi dans Les nouveaux chiens de garde [1], ouvrage auquel nous empruntons la quasi-totalité des citations datées de 1995.
Printemps 2016, la crème de la crème des éditocrates déjà actifs en 1995 se mobilise contre les opposants à la « Loi travail ».
Exposer leurs prises de position de 1995 et 2016 est l’occasion de mettre en évidence la permanence de leurs « arguments » et de leurs méthodes en matière de décrédibilisation des dominés. (...)
– Franz-Olivier Giesbert
– En 1995, alors directeur des rédactions du Figaro, Franz-Olivier Giesbert se prend pour un psychiatre en voyant dans les grèves contre le « plan Juppé » « une fantasmagorie ».
Et toujours en 1995, dans Le Figaro du 4 décembre, il intervient en justicier : « Les cheminots et les agents de la RATP rançonnent la France pour la pressurer davantage. Car c’est bien de cela qu’il s’agit : de corporatisme, c’est à dire de racket social . »
– En 2016, dans Le Point du 2 juin, il mobilise l’argument de la « mise en péril » [2] : « La France est soumise aujourd’hui à deux menaces qui, pour être différentes, n’en mettent pas moins en péril son intégrité : Daech et la CGT. », et le même jour invective sur BFM TV un syndicaliste de la CGT : « Vous mentez comme d’habitude, vous n’arrêtez pas de mentir. C’est le propre même de la CGT. »
– Alain Minc
– En 1995, l’essayiste Alain Minc qui sera condamné en 1999 et en 2013 pour plagiat, enfile sa blouse de médecin (…des comédies de Molière) pour déclarer dans Le Figaro : « Dans ce monde en apparence unifié par les modes de vie et les marchés financiers, il demeure une spécialité française : le goût du spasme . »
– En 2016, le 19 mars, sur Itespresso, le médecin des âmes se lamente : « En France, tout le monde est fasciné par la pétition sur la loi El-Khomri. Oui elle est impressionnante . Mais rappelez qu’il y avait eu 2,5 millions de signataires pour la pétition qui a suivi l’agression d’un bijoutier à Nice (septembre 2013). C’est une incroyable caisse de résonance aux émotions . Une société dominée par ses émotions est une société qui devient dangereuse. » (...)