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Chemins de traverse : Ne pas revenir...
Article mis en ligne le 13 avril 2016
dernière modification le 12 avril 2016

Pendant sept mois, il a mené la course, loin devant les autres concurrents de cette première édition du Golden Globe. Avant de faire demi-tour à quelques semaines d’un retour triomphal en Europe, parce qu’il préférait continuer à arpenter les océans. Un magnifique bras d’honneur, signé du plus refuznik des marins, Bernard Moitessier. Hardi, moussaillon !

La voici enfin, droit devant. La ligne d’arrivée du Golden Globe. Pour Bernard Moitessier, la franchir en tête s’annonce (presque) comme une simple formalité. Bien plus rapide que ses concurrents, le navigateur français a pratiquement course gagnée. Encore quelques petites semaines de navigation, le temps de remonter l’Atlantique du Sud au Nord, et il remportera la première édition de cette course en solitaire autour du monde, sans escale ni assistance (...)

Bonheur. Bernard Moitessier l’écrit, il le crie même dans La Longue route [3], magnifique roman publié deux ans plus tard : « Quand je monte sur le pont à l’aube, il m’arrive de hurler ma joie de vivre en regardant le ciel blanchir sur les longues traînées d’écume de cette mer colossale de force et de beauté […]. Je vis, de tout mon être. » Et il faudrait abandonner cela ? Pour une ligne d’arrivée à la con ? Pour une victoire idiote ? Un peu de sérieux, s’il vous plaît. « Vous voulez que je rentre maintenant ? Mais mon vieux, rigole le marin dans le documentaire La Longue Route [4], ça serait la dernière des folies. »

En vrai, ça fait un bail que Bernard Moitessier pense à abandonner la course. Depuis le départ, carrément. Au cours des longs mois de navigation solitaire, l’idée s’est faite évidence. Rien à fiche de cette absurde compétition. « Partir de Plymouth pour rentrer à Plymouth, écrit-il, c’est devenu, au fil du temps, comme partir de nulle part pour aller nulle part. » Voilà. Il ne va pas revenir, il n’en a pas envie. Il en prend acte dans son journal de bord du 28 février 1969, peu de temps après avoir passé le cap Horn : « J’ai remis le cap vers le Pacifique... La nuit dernière a été trop pénible, je me sentais vraiment malade à l’idée de regagner l’Europe. » (...)

À l’aide d’un lance-pierre, il catapulte ce message sur le pont du navire : « Je continue sans escale vers les îles du Pacifique, parce que je suis heureux en mer, et peut-être aussi pour sauver mon âme. » (...)