e 26 mars 2018, le continent africain exportait pour la première fois du cannabis thérapeutique outremer, à destination de Vancouver, au Canada, où sa production et sa consommation sont légalisées depuis l’an 2000. Destiné à être analysé pour une éventuelle commercialisation sur le marché canadien du cannabidiol (CBD), cet échantillon de 850 grammes de fleurs de marijuana sortait des plantations de la société Medi Kingdom, l’un des principaux acteurs locaux d’une économie encore balbutiante au Lesotho (...)
Depuis, le Zimbabwe lui a emboité le pas alors que l’Afrique du Sud a encadré la consommation et la culture de chanvre récréatif à titre personnel. Le Ghana, le Swaziland, le Malawi, et la Zambie envisagent aussi d’autoriser la production et l’exportation de cannabis médical.
L’Afrique, qui cultiverait, selon les dernières estimations fournies par les Nations unies, le quart de la production mondiale de la plante herbacée, et dont 7 % en moyenne des habitants de 15 à 64 ans en consommerait régulièrement, s’insère à pas encore comptés dans un marché international porteur, qui attise les convoitises : le secteur global du cannabis thérapeutique pourrait atteindre une valeur de 100 milliards de dollars en 2025, selon une étude du cabinet Grand View Research publiée en 2018. Celui de l’Afrique, menée par l’Afrique du Sud, devrait représenter les 0,8 milliard de dollars en 2023, d’après le African Cannabis Report, toute première étude publiée en mars sur l’industrie légale de la marijuana sur le continent par Prohibitions Partners. (...)
Hautement volatile, la « nouvelle économie » du cannabis, considérée comme un « or vert », suscite la convoitise des fonds d’investissements, des acteurs de l’industrie du tabac, de l’agroalimentaire, des Big Pharma, mais aussi, au Canada, draine de l’argent offshore des paradis fiscaux (...)
Selon les acteurs de la filière du cannabis canadien, le Lesotho serait « un pays prometteur en matière de business » à cause de sa main d’œuvre à faible coût, son climat idéal et… sa proximité, toute relative, avec le marché européen. (...)
« Au Canada, poursuit cet entrepreneur, les deux charges les plus lourdes pour la culture sont celles de l’électricité [consommée pour la production en serre] et de la main-d’œuvre. Au Lesotho, ou le soleil brille plus que dans n’importe quel lieu au Canada, nous pouvons produire en extérieur ».
Dans ce pays, où le taux de prévalence du virus du sida reste le deuxième plus élevé au monde après le eSwatini (ex-Swaziland), la matekoane est cultivée et employée depuis plus de 600 ans par la population basotho. (...)
Fin décembre 2018, à Maseru, le premier ministre du Lesotho, Thomas Thabane, a invité ses concitoyens « à saisir les opportunités offertes par l’industrie locale naissante de la marijuana à des fins médicales pour établir leurs propres plantations afin de produire une plante qui promet de transformer notre pays en une puissance économique ». Selon l’économiste sud-africain Jee-A van der Linde, du cabinet de consulting NKC African Economics, majoritairement détenu par Oxford Economics, « si l’industrie formelle du cannabis en est encore à ses balbutiements, le royaume pourrait générer encore plus d’investissements étrangers au cours des prochaines années. Cela, à son tour, pourrait entraîner une création d’emplois plus importante pour les travailleurs basothos, contribuer à la diversification de l’économie et éventuellement voir le Lesotho devenir un acteur majeur sur la scène mondiale du cannabis ».
En attendant, le Lesotho se montre particulièrement attentif aux préconisations des investisseurs étrangers. (...)
Canada, mais également États-Unis, Afrique du Sud ou Israël : la ruée internationale vers le nouvel or vert du continent ne fait que commencer. L’histoire se rappellera que tout a commencé au Lesotho. Mais pour l’heure, tout laisse à penser que l’on assiste, encore très discrètement, au début d’un nouvel épisode de capitalisme de prédation, dont l’Afrique est tristement coutumière.