Bandeau
mcInform@ctions
Travail de fourmi, effet papillon...
Descriptif du site
Telerama
Chez David Pujadas comme chez Bruce Toussaint ou Yves Calvi, les meilleurs experts, les plus grands éditorialistes se relaient pour saluer la réforme ferroviaire du gouvernement. Au nom d’un remarquable principe, l’égalité : il serait trop injuste que les cheminots ne puissent jouir de la précarité des salariés du privé.
Article mis en ligne le 3 mars 2018

« Le gouvernement a annoncé qu’il aurait recours aux ordonnances pour réformer la SNCF », avertit Bruce Toussaint lundi, en ouverture de C dans l’air. « L’idée d’aller vite et de réformer rapidement, c’est la marque de fabrique de Macron et c’est globalement attendu dans le pays. » Si c’est attendu, tout va bien se passer. « Bernard Vivier, aller vite, c’est la seule raison de ce choix ? » « Oui, il est des mesures qu’il faut prendre très vite quand le temps politique vous est favorable, et on y est. » Pas une minute à perdre pour sauver la SNCF.

C’est un expert qui parle, directeur de l’Institut supérieur du travail, aussi prestigieux (à la télé) que l’Institut français de recherches sur les administrations publiques d’Agnès Verdier-Molinié mais beaucoup plus ancien (il fut créé dans le contexte de la Guerre froide, notamment par d’anciens pétainistes, pour lutter contre l’influence de la CGT et nous préserver du stalinisme, grâce lui en soit rendue).

« L’ordonnance, poursuit Bernard Vivier, c’est aller vite pour être efficace. » Et qui donc peut s’opposer à l’efficacité ? « Or, les organisations syndicales, par nature, sont lentes. » Et archaïques, non ? « Et ça, évidemment, ça agace Emmanuel Macron qui est un puissant réformateur. » C’est mignon, Puissant Réformateur, ça pourrait lui faire un nouveau surnom. « Quand on a l’exigence du changement, dont il est habité, il faut tenir compte de la dialectique difficile entre cette exigence de changement et le besoin de conservation porté par les organisations syndicales. » Archaïques, c’est bien ce que je disais. « C’est pas péjoratif. » Pas du tout, juste dépassé. (...)

« C’est un sujet sensible, s’inquiète à nouveau Bruce Toussaint, parce que les cheminots peuvent bloquer la France. » Ne parlons pas de malheur. « Ça peut se produire, là, dès le 12 mars, il peut ne plus y avoir de trains, c’est ça le danger. » Ça fait peur. « C’est pour ça qu’il faut aller très vite », admet Soizig Quémener, de Marianne, qui à elle seule doit représenter sur le plateau de C dans l’air pas moins de trois « minorités » : les femmes, les jeunes et les éditorialistes de « gauche ». (...)

Macron dit au Salon de l’agriculture : “Y a des agriculteurs qui n’auront pas de retraite et des cheminots qui ont des régimes spéciaux et ce n’est pas normal”, là, il cible juste. » En effet, il est scandaleux que certains aient plus que rien quand d’autres se contentent de rien. « C’est quelque chose qui peut générer du soutien. » Moi, je soutiens. Personne en France ne devrait avoir une retraite supérieure à celle d’un agriculteur qui n’en a pas. Ce serait trop inéquitable.

« Ne confondons pas 1995 et 2018, conseille Bernard Vivier. En 1995, l’image de la SNCF et du service public n’est pas ce qu’elle est aujourd’hui. » C’est logique. Depuis vingt-trois ans, d’éminents experts et de dévoués présentateurs nous expliquent que le service public est d’abord et avant tout un coût, une charge, un gâchis, un handicap, un chancre, un parasite. (...)

Moi qui suis bien plus de gauche qu’Yves Thréard et donc bien plus attaché à l’égalité, je réclame que cessent ces injustices, j’exige une stricte égalité entre public et privé. Les agents du public doivent bénéficier de la même précarité, des mêmes CDD, de la même absence de primes, de la même retraite (d’agriculteur) à 67 ans que les salariés du privé.

« Et ça, il sait, Macron, comme d’autres d’ailleurs, que les Français ne veulent plus de cette distinction. » Ah non, plus jamais. Vive l’égalité ! « Donc il joue là-dessus. » Loué soit le Puissant Réformateur. Et puis, de toute façon, on ne peut rien y faire, l’ouverture à la concurrence est imminente, « il faut mettre au carré cette société pour qu’elle soit concurrentielle face à celles qui vont arriver d’ici deux ou trois ans ». (...)

Bernard Vivier prend l’exemple du « florissant Naval Group qui conquiert des marchés » sans préciser qu’il s’agit d’un constructeur de sous-marins et de navires militaires. Pour remporter des marchés, la SNCF devrait songer à miser sur des trains blindés, trains amphibies, trains lanceurs d’engins à propulsion nucléaire.

Bruce Toussaint évoque encore « cette petite poussée de fièvre syndicale », preuve que les syndicalistes sont des malades. « Ils ont un outil fabuleux de blocage, de paralysie du pays, alerte Yves Thréard. Les cheminots sont 130 000 mais ils peuvent bloquer le pays et ça a des conséquences sur l’économie. » Le plus simple, pour avoir la paix, serait de leur retirer leur fabuleux outil de blocage en le confiant au privé. (...)

Pour avoir d’autres avis, je zappe sur LCI. Je suis servi : David Pujadas a invité Bruno Poncet, de Sud-Rail, un de ces syndicalistes qui militent pour la perpétuation des inégalités entre Français du public et Français du privé. Heureusement, et comme toujours en cas de présence d’un militant extrémiste, le dispositif de 24h Pujadas le place en situation d’accusé face au tribunal constitué du présentateur et d’invités comme lui pétris de bon sens et de pragmatisme. (...)