
Le jeudi 5 décembre 2019, Spinger Nature et Wiley, deux éditeurs de prestigieuses revues scientifiques, ont décidé de reprendre voire de supprimer les articles et recherches qu’ils avaient pu publier sur les minorités ethniques en Chine. Cette décision fait écho à un article récemment publié dans la revue Nature qui décrivait la manière dont les autorités chinoises utilisaient les outils scientifiques et les études publiées pour traquer et persécuter ces groupes, comme les Tibétains ou les Ouïghours.
« Les autorités utilisent une base de données ADN nationale ainsi que d’autres types d’outils de surveillancestelles que les caméras ou les scanners faciaux pour traquer la population musulmane Ouïghour dans la province de Xinjiang » annonce Yves Moreau dans un article de la revue Nature publié le 3 décembre.
Dès lors, « les chercheurs qui travaillent sur les nouvelles techniques d’identification biométrique doivent faire plus attention sur la manière dont leurs inventions peuvent être utilisées et détournées » explique le journaliste. « Les éditeurs doivent s’assurer que les recherches qu’ils publient sur l’identification biométrique, surtout quand elles impliquent des populations en danger, ne doivent pas être utilisées à de mauvaises fins. »
En apprenant les enjeux et les risques de telles publications sur les nouvelles techniques d’identification, Spinger Nature et Wiley ont décidé de revoir certains de leurs articles qui auraient pu servir de bases de données pour les autorités chinoises. D’autant plus que certaines études auraient en réalité été financées et réalisées par d (...)
« Et quand les journaux occidentaux publient de tels articles rédigés par des scientifiques chinois affiliés à des agences de surveillance du pays cela leur confère du prestige et une certaine légitimité. » Pour Yves Moreau, cela revient à prêter un couteau à son ami tout en ayant conscience qu’il l’utilisera pour tuer. (...)
Des études génétiques illégales
En plus de s’inquiéter d’une potentielle utilisation des recherches chinoises sur les données personnelles des minorités ethniques pour créer des nouvelles technologies de surveillance, Yves Moreau craint également que les tests génétiques n’aient été faits dans les règles.
En effet, dans les cas de ces tests, une feuille de consentement est obligatoire. Or, impossible de vérifier que les Ouïghours aient donné leur accord par écrit pour les prélévements ADN.
Yves Moreau pointe alors du doigt un article de Springer, publié en 2018, qui analyse la forme crânienne des Ouïghours. Bien que l’étude indique que les sujets étaient « volontaires », elle ne mentionne pas les formulaires de consentement. (...)
En septembre, Yves Moreau et trois autres scientifiques avaient déjà demandé à Wiley de retirer un article qui portait sur les visages des minorités, publié l’an dernier, évoquant le risque d’abus que cette publication pouvait susciter. (...)
« Ici, même si les auteurs obtenaient le consentement de ceux qu’ils avaient étudiés, l’objectif était clairement de donner quelques outils pour mieux repérer les Tibétains et les Ouïghours » avance Jack Poulson, un autre scientifique. Si la maison d’édition avait initialement refusé de supprimer l’article, elle a annoncé cette semaine qu’elle allait reconsidérer sa décision. (...)