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Chloroquine et Didier Raoult : la mauvaise foi de Patrick Cohen
Article mis en ligne le 15 août 2020
dernière modification le 14 août 2020

Le journalisme scientifique a été largement marginalisé dans le débat médiatique de ces derniers mois sur la chloroquine et son dérivé l’hydroxychloroquine (HCQ). Nous l’avons documenté dans les précédents articles de notre série estivale sur ce thème, les éditocrates n’ont pas manqué de prendre en main la controverse scientifico-médiatico-politique sur les plateaux télévisés. Tordant au passage des arguments ou critiques (parfois légitimes) en faveur ou en défaveur de la chloroquine, pour mieux faire valoir leurs certitudes (et détestations) du moment… Illustration avec un cas d’école : celui de Patrick Cohen.

Nous l’avons déjà dit : ce n’est pas le rôle d’Acrimed de prendre parti dans une controverse d’ordre scientifique. Seul nous importe son traitement médiatique. Critiquer Patrick Cohen, comme nous le faisons ici, ne revient pas à prendre la défense de Didier Raoult – qui dispose d’assez de tribunes pour le faire lui-même. Il ne s’agit donc pas d’établir qui a tort ou raison, mais de rendre compte de la manière dont les éditocrates – plus à l’aise dans les effets de manche (et de plateaux) que dans la discussion proprement scientifique – ont parasité le débat par la mauvaise foi ou le caractère mensonger de leur discours.

Les interventions de Patrick Cohen sont à ce titre exemplaires. Dans l’émission « C à vous » sur France 5, le chroniqueur s’en est pris à plusieurs reprises à Didier Raoult en lui reprochant tantôt de nier l’inefficacité de son protocole de traitement mis en place, tantôt… de dissimuler ni plus ni moins la toxicité de l’HCQ.

Sur la question de la preuve scientifique de l’efficacité de la molécule en particulier, Patrick Cohen a pilonné avec régularité. (...)

Nous reviendrons plus en détail sur le scandale du « LancetGate ». Au moins pouvons-nous en tirer d’ores-et-déjà un enseignement : la plus grande prudence aurait dû être de mise dans la médiatisation des différentes études sur les potentiels traitements du Covid-19. Qu’il s’agisse des travaux censés démontrer l’efficacité du protocole Raoult (et il y en a eu contrairement à ce que laisse entendre le chroniqueur) ou sa dangerosité, les limites sont nombreuses : méthodologie, faiblesse des échantillons, protocole de traitement étudié [1]... Et pourtant de prudence, il fut rarement question dans les médias : on a plutôt assisté, au plus fort de la controverse sur la chloroquine, à la reprise tous azimuts, sans recul, de résultats d’études (parfois au stade de prépublication) utilisés comme arguments d’autorité dans le débat médiatique – comme le fait Patrick Cohen.

L’éditorialiste de « C à vous » ne se contente pas de faire valoir ses certitudes sur le fond de la controverse scientifique. Comme de nombreux commentateurs médiatiques, il en fait une affaire de personne [2]. En l’occurrence, il concentre ses critiques (ou ses attaques) sur la personne de Didier Raoult. Extraits de vidéos à l’appui, il s’applique à démontrer ce qui constitue selon lui une incohérence. (...)

Patrick Cohen de conclure d’un ton lugubre : « vous pouvez mourir ». Incompétence, ou mauvaise foi ? Dans cet extrait, Raoult ne dit pas que l’HCQ est toxique mais que c’est la dose qui fait le poison. Mais surtout dans une vidéo diffusée le 25 mai 2020 sur la chaîne Youtube de l’IHU, et visionnée plusieurs centaines de milliers de fois, Didier Raoult explique déjà : « c’est sûr que si vous prenez de l’HCQ, on peut se suicider avec quand on en prend trop. » [3] Il n’a donc n’a pas caché aux Français « cette histoire de toxicité ». Le fait que l’HCQ soit dangereuse à forte dose ne signifie pas qu’elle soit toxique à plus faible dose – déterminer d’éventuels effets secondaires néfastes est d’ailleurs un des enjeux des essais cliniques. Etonnant que Patrick Cohen qui semble suivre de près les interventions de Didier Raoult n’ait pas vu passer cet autre extrait, d’autant plus qu’il se sert de la plupart des vidéos diffusées sur le site de l’IHU pour construire ses (dé)montages à charge… (...)

Une critique argumentée des travaux de Didier Raoult – sur le plan scientifique, méthodologique, comme sur le plan de la communication et du recours aux médias – était possible [4]. Mais plutôt que de rendre compte de la controverse sur l’utilisation de l’HCQ comme traitement du Covid-19, Patrick Cohen a, comme nombre de ses homologues, fait l’étalage de certitudes (souvent) mal placées.