
Pourquoi le Web, pourtant si vaste, nous semble-t-il si facilement traversable à bord de nos navigateurs ? Est-ce grâce au seul mérite des "moteurs" de recherche ? Non. Si le Web nous est rendu appropriable, si le sentiment d’être "perdu dans l’hyperespace" s’efface souvent au profit d’une découverte hasardeuse, heureuse (sérendipité) et rassurante, c’est pour une raison simple. C’est parce que le Web est un graphe à invariance d’échelle, c’est-à-dire avec de la redondance, ni vraiment aléatoire ni vraiment hiérarchique et dont l’immensité n’oblitère pas la possibilité offerte à chacun d’entre nous d’en mesurer le diamètre ; mieux, de faire l’expérience de cette mesure, de faire le tour du Web.
(...) Facebook, YouTube et tant d’autres sont, chacun à leur manière des projets de nature carcérale, c’est-à-dire qui valorisent et exploitent la complétude de l’entre-soi. Un projet de nature idéologique pour Facebook (faire en sorte que nous soyons tous "amis"), de nature culturelle pour YouTube (faire en sorte que nous aimions tous les mêmes vidéos "rigolotes"). Tous ont en commun de tendre vers l’abolition du fractal, c’est-à-dire d’une certaine forme d’inépuisable, de diversité.
Plus que le Web lui-même, plus que l’infrastructure qui le porte, c’est une certaine idée du Web comme ressource qui est en danger. (...)