
Dur métier que celui de journaliste. Comment rendre compte d’un Colloque auquel on n’a pas assisté ? Comment, malgré l’affluence record, convaincre le lecteur que la visite du grand intellectuel américain à Paris est un événement sans importance ?
...L’étonnant, dans cette affaire, était d’ailleurs que le Collège ait du refuser du monde dans la mesure où aucun média n’avait annoncé la tenue de ce colloque, pas plus qu’il n’avait annoncé sa diffusion et sa traduction en direct sur le site du Collège de France. Et pourtant, le grand amphi était comble ce vendredi et les questions nourries et passionnantes. Tout comme était comble le couvent des Cordeliers, dans lequel, le lendemain matin, Chomsky donnait une conférence sur les derniers développements de ses théories linguistiques, sous l’égide du CNRS. Tout comme était comble, l’après-midi, la salle de la Mutualité spécialement réservée pour l’occasion par le Monde Diplomatique. Tout comme fût comble de nouveau, le lundi après midi, le grand amphi du Collège de France, accueillant une dernière conférence de linguistique, l’administration du Collège ayant, en raison de l’affluence, ouvert cet après-midi-là, toutes les salles disponibles pour que le public puisse assister à la conférence en vidéo....
...Pourtant, à lire le dossier très fourni que Jean Birnbaum consacre à cet événement dans le Monde des livres de cette semaine (pas moins de quatre articles, photo de Chomsky en une, plus une caricature un peu énigmatique en illustration)[4], cette visite de Chomsky à Paris aurait surtout été révélatrice du « malentendu » qui existe entre lui et la France. En France, on ne s’intéresse pas à Chomsky. Mieux : « la France résiste à Chomsky ». Ses théories linguistiques y sont « méprisées », « négligées », « n’ont aucune influence », bref on ne s’y intéresse pas et c’est même à se demander si on s’y est intéressé un jour (selon les dires de Pierre Pica, un ancien élève de Chomsky, dont on nous suggère qu’il est « proche » du grand homme)....