Emmanuel Macron et Jacinda Ardern, première ministre néo-zélandaise, ont lancé aujourd’hui l’ « appel de Christchurch ». Suite à l’attentat survenu il y a deux mois, cet appel est lancé en réaction au fait que la vidéo de la tuerie aurait largement tourné sur Facebook et Google. Il appelle tous les États à agir pour éviter que cela se reproduise, notamment en collaborant avec les grands réseaux sociaux.
Facebook, qui participait au lancement de la campagne aux côtés de Google, a aussitôt répondu : il empêchera désormais ses utilisateurs les plus suspects de diffuser des vidéos en direct – outil qu’avait utilisé le tueur de Christchurch.
Cette réponse de Facebook est bien à la hauteur des attentes du gouvernement Macron, qui recevait précisément Mark Zuckerberg la semaine dernière : de la poudre aux yeux pour que surtout rien ne change, au mépris de la gravité des événements.
Les pyromanes…
Quand Facebook annonce aujourd’hui limiter l’accès à son service de vidéo en direct, cela n’a rien à voir avec la façon dont la vidéo de Christchurch aurait inondé sa plateforme, tel qu’expliqué il y a deux mois par l’entreprise elle-même. La vidéo n’aurait été visionnée en directe que par 200 personnes… Ce sont les 1,5 millions de copies de la vidéo qui auraient atteint le public, diffusées par des soutiens du tueur. Le tueur aurait pu envoyer la vidéo à ses complices par mail que cela n’aurait rien changé à l’affaire. Facebook le sait très bien et son annonce est aussi hypocrite que méprisante.
Facebook fait mine de prendre conscience du problème de viralité lié à la plateforme en promettant aussi de « renforcer ses intelligences artificielles », encore une fois… Comme si, précisément, la « solution magique » de ses filtres automatisés ne venait pas d’être définitivement décrédibilisée, il y a deux mois, par une poignée d’internautes complices du tueur de Christchurch parvenant à les contourner pendant des jours, manifestement sans grand soucis. D’après Facebook, la première journée, 300 000 copies seraient passé au travers de ses filtres automatisés, n’étant traitées que pas son armée de modérateurs sous-payées et exposés aux pires conditions de travail.
Surtout, Facebook sait très bien que sa plateforme ne peut pas être corrigée, à moins de renoncer à son modèle économique, tout comme Google ou Twitter, véritable cœur du problème. La raison d’être de ces plateformes est de réunir le plus de personnes possibles en un seul endroit, pour les surveiller et leur proposer la publicité qui les influencera le plus. (...)
Et, bien sûr, leur emprise s’exerce en marchant sur nos libertés fondamentales, exploitant nos données personnelles et violant le RGPD pour mieux nous contrôler (voir nos plaintes devant la CNIL et la première sanction de celle-ci en réponse contre Google).
… appelés à éteindre l’incendie
Ce sont ces délinquants que le gouvernement appelle aujourd’hui pour sauver leur Web. (...)
: les géants s’engagent à faire le travail de la police et de la justice sur Internet et, en échange, le gouvernement les présente en « solutions », légitime leur toute puissance, les laisse tranquille et les invite à tous ses événements sur « comment la technologie sauvera le monde ». Comme on l’a vu dans notre dernier article, cette alliance risque aussi de conduire à la censure de critiques anti-Macron ou de mouvements sociaux un peu trop dérangeants…
Bref, quand on demande aux pyromanes d’éteindre l’incendie, ce n’est pas seulement qu’on est à court d’idée et qu’on brasse du vent pour faire genre. C’est aussi car, en vrai, on est soi-même déjà pyromane.