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Christine Kelly, l’animatrice de “Face à l’info” sur CNews : l’alibi parfait d’Éric Zemmour ?
Article mis en ligne le 24 juin 2021

Femme, noire, ex-sage du CSA, Christine Kelly est la caution idéale pour faire passer les saillies racistes d’Éric Zemmour. Malgré les critiques, l’animatrice de “Face à l’info” sur CNews assume.

« Je vous adore, mais arrêtez d’avaler [les] couleuvres lâchées par Zemmour le facho. — Je vous adore, arrêtez de penser pour moi. » Il y a dans cet échange avec l’un de ses téléspectateurs, le 5 mai sur Twitter, tout Christine Kelly. Du tac au tac, de l’humour, et son agacement, surtout, d’être perçue comme le faire-valoir du polémiste le plus clivant du PAF. Difficile pourtant de dissocier la journaliste de 51 ans de celui par lequel elle est revenue dans la lumière.

À l’écran, elle l’appelle « mon d’Artagnan », et lui « ma chère ». De sa voix douce, que jamais elle n’élève, elle l’interroge : « Où va la France ? La déconstruction est fort avancée. On se sait malades, mais comment s’en sortir ? » Devant sept cent mille fidèles en moyenne, chaque soir, dans Face à l’info, sur CNews, elle déroule un tapis rouge à ses obsessions, du « grand remplacement » à « la France islamisée ». Ses timides prises de distance, précédées d’un délicat « Je peux ? » ou « Vous permettez ? », réjouissent ses fans. Ses contempteurs, eux, se désespèrent de sa passivité. « Elle a vendu son âme au diable », tacle un ancien compagnon de route. (...)

Hors antenne, Christine Kelly maquille Éric Zemmour avant chaque émission, depuis que la direction de CNews a supprimé le budget coiffure-maquillage. Elle s’est mise au tennis, comme lui. Et quand il participe, le 19 mai, à la manifestation des policiers aux côtés d’un ancien cadre du Rassemblement national, c’est elle qui se charge de l’annoncer, sur Twitter. « Profession attachée de presse ? » cingle en réponse le journaliste Jean-Michel Aphatie. Même sa petite Léa, 6 ans, l’a questionnée : « Mais maman, pourquoi tu as des livres d’Éric Zemmour dans ta chambre ? »
Avec Zemmour, c’est le grand amour (...)

Depuis, Face à l’info a multiplié son audience par dix. Vincent Bolloré, le grand patron de Canal+, qu’elle connaît depuis longtemps, la regarderait chaque soir. (...)

Entre-temps, Christine Kelly a aussi décroché une autre émission sur l’histoire de France avec Franck Ferrand, et la coprésentation des soirées électorales des élections régionales les 20 et 27 juin à partir de 22 heures. « L’alibi est en train de devenir star », souffle-t-on à CNews, où Christine Kelly ne passe pas inaperçue, lançant aux uns et aux autres des « mon chéri » ou « mon chat », façon Cyril Hanouna.

Le succès a comme un parfum de revanche. Ces deux dernières années, des amis proches lui ont tourné le dos, ulcérés de la voir associée au polémiste condamné plusieurs fois par la justice. Elle a essuyé un crachat dans la rue, des menaces de mort. Des insultes, encore, début juin, à la terrasse d’un café. (...)

« J’avais rarement rencontré quelqu’un avec une telle volonté de réussir », se souvient Philippe Goudé, ex-rédacteur en chef à RFO, en Guadeloupe, qui lui mit le pied à l’étrier au milieu des années 1990. Née au Lamentin (Guadeloupe), cette fille d’enseignants, diplômée en maths-physique, a percé comme animatrice sur des chaînes locales de l’île.

À l’époque, son visage s’étale sur des panneaux de quatre mètres par trois sur la route de Pointe-à-Pitre. Elle fait la pub d’un opérateur téléphonique. La une des journaux locaux, aussi, mais doit compléter son salaire par des petits boulots (hôtesse de l’air, vendeuse de voitures, salariée d’une société de crédit…). « Elle crevait l’écran, mais il lui manquait des connaissances sur le fond. Je lui ai dit : “Vous devez être journaliste”. Elle m’a répondu : “Est-ce que j’en suis capable ?” Elle s’est donné les moyens d’y arriver », salue-t-il. (...)

« J’ai posé une fois en séance une question sur un de ses dossiers : elle a explosé, quitté la salle », raconte le journaliste Rachid Arhab, avant de foudroyer : « Cette femme est une imposture de A à Z. Je n’ai jamais été frappé par sa capacité de travail, en revanche, elle a une vraie capacité de mise en lumière de sa personne. Qu’elle se pose aujourd’hui en médiateur entre la France d’extrême droite et le reste du pays me pose un problème éthique. » (...)

“Évidemment, il y a des moments où je ne suis pas d’accord avec Zemmour, mais ça ne regarde pas le téléspectateur.” Christine Kelly (...)

L’émission a créé la polémique avant même son lancement, en octobre 2019. Kelly est alors taxée de schizophrénie. Comment l’ex-présentatrice de LCI, visage de la diversité à l’écran (avant Harry Roselmack ou Audrey Pulvar), et ancienne sage du Conseil supérieur de l’audiovisuel, pouvait-elle accepter pareille mission ? « Femme, noire, estampillée CSA, c’était la triple caution, l’alibi en or face à Zemmour », reconnaît un journaliste de CNews.