
Claire Hédon, Défenseure des droits, une autorité administrative indépendante, était à Toulouse, mardi 25 janvier, pour présenter les résultats du 14e baromètre sur la perception des discriminations dans l’emploi à l’occasion d’une table ronde coorganisée avec Info jeunes Occitanie et l’Association régionale des missions locales d’Occitanie. L’occasion pour la journaliste et ex-présidente d’ATD Quart Monde d’échanger avec des intermédiaires de l’emploi, représentants d’associations, universitaires et jeunes victimes de discriminations localement. Entretien.
"L’institution, ce sont des 230 juristes au siège et 550 délégués territoriaux. Ce sont la porte d’entrée des réclamations.
Ils traitent 80 % des réclamations, principalement des droits des usagers de service public, mais aussi des droits des enfants, discriminations, déontologie, forces de sécurité et on a plus de 150 délégués qui sont présents dans les lieux de détention. C’est important de les entendre car ils nous disent là où les difficultés émergent. Ce qu’il faudrait faire. La grande difficulté des réclamants aujourd’hui, c’est qu’ils n’arrivent plus à joindre les services publics. Plus personne au bout du fil, on n’arrive pas à avoir un rendez-vous.
Tous les services publics sont concernés par ces difficultés pointées par les réclamants ?
Ce sont des situations qui touchent aussi bien le droit à faire valoir sa retraite, on a des réclamants qui mettent six mois, un an à toucher leur pension et qui vivent sans rien pendant ce temps. Ce sont des difficultés pour obtenir une carte grise, permis à points, mais aussi pour le droit des étrangers en préfecture, ou avec la Caf, aide personnalisée au logement (APL), Pôle emploi."
Cela veut-il dire que les médiateurs des institutions ne font plus leur travail auprès des usagers ?
Ce ne sont pas les médiateurs, mais les agents qui sont la porte d’entrée des services publics, il s’avère qu’ils sont débordés. On a pensé qu’avec la dématérialisation, on pouvait supprimer beaucoup de postes dans les services publics. La réalité, c’est que non. La dématérialisation est une chance qui permet de simplifier un certain nombre de démarches, mais il y a des gens qui n’ont ni ordinateur chez eux, ni internet, qui ne savent pas s’en servir, qui sont en zone blanche… Plein de raisons qui montrent que la présence des agents est nécessaire. Nous avons fait un rapport de suivi.
Que dit ce 14e baromètre sur l’état des discriminations en France ?
C’est un baromètre sur les perceptions de la discrimination dans l’emploi. On a ciblé cette année une population jeune, de 18 à 34 ans. On voulait comptabiliser les premières années de vie professionnelle pour que cela dise quelque chose des difficultés rencontrées. Ce qui est intéressant, c’est que l’on s’aperçoit que trois jeunes sur cinq disent avoir été victimes de discrimination. Si l’on prend le même baromètre à une échelle d’âge plus générale, c’est un sur cinq. Donc, une fréquence plus importante et une conscience plus importante de discrimination.
Mais quatre personnes sur dix disent n’avoir rien fait. On ne parle pas d’aller devant les tribunaux, seulement d’en parler à quelqu’un. C’est cinq sur dix si l’on ne parle que des femmes. C’est le gros problème de la discrimination, c’est qu’on a beaucoup de mal à l’évaluer, parce qu’on est dans le non-recours. (...)