Bandeau
mcInform@ctions
Travail de fourmi, effet papillon...
Descriptif du site
Basta !
Classes de défense globale : quand l’armée fait son entrée dans les écoles et les collèges
Article mis en ligne le 3 janvier 2017

Des enfants coachés par l’armée dès l’école élémentaire ? C’est le cas en France, depuis quelques années, grâce à des partenariats établis entre l’armée et l’Éducation nationale. Il existe plus de 80 « classes de défense globale » visant souvent des « publics en difficulté », avec l’objectif notamment de « réduire d’éventuels problèmes d’incivilités ». Les enseignants des établissements concernés n’échappent pas à une formation obligatoire à la défense nationale. La revue Silence s’est intéressée à ces classes qui visent à opérer un rapprochement entre les élèves et l’armée.

(...) Des enfants coachés par l’armée dès l’école élémentaire ? C’est le cas en France, depuis quelques années, grâce à des partenariats établis entre l’armée et l’Éducation nationale. Il existe plus de 80 « classes de défense globale » visant souvent des « publics en difficulté », avec l’objectif notamment de « réduire d’éventuels problèmes d’incivilités ». Les enseignants des établissements concernés n’échappent pas à une formation obligatoire à la défense nationale. La revue Silence s’est intéressée à ces classes qui visent à opérer un rapprochement entre les élèves et l’armée. (...)

Encadrer, recruter, séduire

Le ministère de l’Éducation nationale explique que ce dispositif s’adresse « dans la plupart des cas, à un public en difficulté » [2]. C’est en effet parmi ce dernier que le recrutement des jeunes est le plus fructueux. Le Val-de-Marne compte à lui seul six collèges et deux écoles primaires concernés. Le site de l’académie de Créteil précise, parmi les objectifs de ces partenariats : « réduire d’éventuels problèmes d’incivilités » et « faire découvrir les métiers de la défense globale ». Encadrer, et recruter.

Une classe de 4ème d’un collège de Arcis-sur-Aube, dans l’académie de Reims, est ainsi passée du statut de « classe égalité des chances » à celui de « classe défense ». Sur son blog, on peut voir comment s’est déroulée la visite d’un officier de liaison britannique : « Il leur a présenté, grâce à un diaporama interactif, son parcours dans l’armée britannique : sa formation, les nombreux pays où il a été en poste, ses projets de carrière après sa retraite militaire. Le colonel a réussi à mettre à l’aise les élèves, à les faire participer, en anglais, pendant plus d’une heure trente. Certains ont même discuté avec lui pendant le goûter qui a suivi la rencontre. » [3]

Parfois, le rapprochement avec un régiment peut prendre une tournure amusante ! (...)

Comment l’avenir se profile-t-il ? Loin d’entamer ces partenariats, les dernières dispositions prévoient au contraire de les étendre [5]. Le candidat Hollande avait bien précisé en 2012 que le partenariat militaro-scolaire serait « revivifié » sous son mandat. Il semble avoir été pris au mot par deux députés, Marianne Dubois (Les Républicains) et Joaquim Pueyo (PS) qui, dans un rapport déposé en décembre 2015 devant l’Assemblée nationale, proposent de remplacer la journée défense et citoyenneté obligatoire pour tous les jeunes de 18 ans, par « un programme de cadets de la Défense pour les 12-18 ans ».

Les cadets de la Défense est un dispositif mis en place en 2009. Il touche actuellement 300 jeunes en France, âgés de 14 à 16 ans en classe de 3ème. (...)

Et côté enseignants ? « Nos stagiaires auront une formation obligatoire à la défense nationale. On n’a absolument pas la possibilité de la refuser, s’étonne une enseignante du Rhône. Je suis assez frappée par la façon dont l’armée est imposée à notre formation. » En effet, les Espe (ex-IUFM) multiplient les formations sur la défense et la sécurité nationale auprès des futurs enseignants [7]. Au menu notamment : le témoignage d’un militaire rentrant d’opération. De quoi enrichir les cours d’histoire-géo, assurément… Mais pas seulement, puisque l’objectif affiché est de toucher maintenant l’ensemble des matières.
Et si on essayait la non-violence ?

Les « valeurs républicaines » et la « citoyenneté » sont-elles bien servies par cette militarisation des écoles ? Au contraire, n’y a-t-il pas une contradiction entre idéologie militaire et sécuritaire, et valeurs démocratiques et éthiques ? La chercheuse états-unienne Cynthia Enloe montre en quoi penser le débat sur la sécurité en termes militaires est un véritable choix qui n’a rien de naturel [8]. Il serait sans doute plus efficace pour notre sécurité de concentrer les efforts sur des actions contre le changement climatique, pour l’accès universel à l’eau potable, que de développer des avions de combat.

De nombreuses associations œuvrant pour la paix et la non-violence, interviennent dans les écoles pour favoriser les apprentissages relationnels tels que la coopération, la communication non-violente, la médiation par les pairs, l’empathie et l’estime de soi [9]. Autant de savoir-faire et de savoir-être qui œuvrent de manière plus cohérente à la construction d’une société démocratique et solidaire.