
Alors que le quinquennat de Nicolas Sarkozy touche à sa fin, les décrets d’importance pleuvent au Journal officiel. Dimanche, Claude Guéant a fait publier un décret de la loi LOPPSI 2 fusionnant le STIC policier (système de traitement des infractions constatées) avec le JUDEX de la gendarmerie (système judiciaire de documentation et d’exploitation). Ce mardi 8 mai, c’est au tour notamment du fichier d’analyse sérielle.
La fusion du STIC et de JUDEX va donner naissance à un fichier monstre alimenté par les procédures pour crime ou délit et les contraventions les plus graves. Il stocke entre 5 et 40 ans durant, les personnes fortement soupçonnées, mais également leurs victimes. Il se souvient de leur état civil, mais également leur photo. Il est en outre couplé à un dispositif de reconnaissance faciale permettant d’exploiter les visages captés par les caméras de vidéosurveillance. Comme l’a mentionné la CNIL, on y trouve aussi, selon les infractions, les « origines raciales ou ethniques », les « opinions politiques, philosophiques ou religieuses ou l’appartenance syndicale des personnes, ou [les données] qui sont relatives à la santé ou à la vie sexuelle de celles-ci ».
La LOPPSI 2 (loi d’orientation sur la sécurité intérieure) avait prévu en fait d’autres fichiers, dont le fameux « fichier d’analyse sérielle ». Au J.O. du 8 mai, un nouveau décret d’application a été publié par le ministère de l’Intérieur pour le mettre en œuvre (décret du 7 mai 2012).(...)
Dans un tel contexte, on peut drainer dans ce fichier d’analyse sérielle tous les éléments permettant de tisser des liens entre les individus, les événements ou les infractions. Le mécanisme est très large puisque ce fichier peut être alimenté par les appels téléphoniques, mais aussi les logs ou toutes les activités sur les réseaux sociaux comme Facebook ou Twitter dans le périmètre de l’infraction. Des sources ouvertes, donc, ou fermées comme les IP, numéros de téléphone, données détenues par les FAI...L’outil permet ainsi le rapprochement et le traitement de la sérialité à partir d’une infraction donnée. (...)
Entre le projet et le décret, le texte de Guéant a cependant subi quelques changements d’importance. Dimanche, de manière opportune, la CNIL faisait publier au JO son avis sur le projet de décret.
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Dans le projet de décret Guéant, le droit d’accès des personnes fichées était plus difficile que pour les fichiers touchant à la défense ou à la sureté de l’État… On notera qu’« interrogé sur ce point, le ministère de l’Intérieur n’a pas souhaité apporter de précisions complémentaires sur les raisons ayant présidé à son choix. »(...)
La CNIL avait invité le ministère de l’Intérieur à revoir sa copie, et « permettre aux personnes d’exercer leur droit d’accès directement auprès du gestionnaire du fichier concernant les procédures judiciairement closes ou encore lorsque la demande ne porte que sur les données traitées en qualité de victime ». Dans le décret finalement publié, Guéant a conservé un système de droit d’accès indirect en calquant le dispositif sur celui des fichiers touchant à la sûreté de l’État, la défense ou la sécurité publique.(...)
Comme constaté par la CNIL, « aucune disposition ne précise les conditions de décision du procureur de la République en matière de maintien, dans les traitements concernés, des données des personnes en cas de décision de relaxe ou d’acquittement devenue définitive et en matière d’effacement en cas de décision définitive de non-lieu et de classement sans suite pour insuffisance de charges ». Selon les explications recueillies par la Commission, « le ministère a indiqué qu’il n’apparaît pas opportun de prévoir un encadrement réglementaire de ces décisions, qui relèvent du pouvoir d’appréciation du procureur de la République ».