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Climat ? La bataille du Premier ministre Edouard Philippe pour maintenir sa centrale à charbon
Article mis en ligne le 3 novembre 2017

Emmanuel Macron avait promis la fermeture des centrales à charbon, confirmée pour 2022 par le plan Climat de juillet. Problème : depuis des années, Édouard Philippe bataille ferme pour maintenir la centrale du Havre jusqu’au moins 2035. Récit d’une obsession énergétique.

« Édouard Philippe tient à la centrale au charbon du Havre comme à ses premiers boutons de manchettes. » Cette formule, le conseiller municipal EELV Alexis Deck l’use à l’envi. Difficile de lui donner tort : depuis plusieurs années, l’actuel Premier ministre lutte coûte que coûte pour maintenir la centrale de son fief normand, dont il a été maire jusqu’en juin dernier. Quitte à la mettre à la pointe d’une technologie qui n’a de propre que le nom, à tirer le fer contre l’ancienne ministre de l’Environnement, et à être soupçonné par certains élus de rendre volontairement la ville dépendante du chauffage produit. Et ce, alors même que la mairie et les entreprises concernées voient leurs accords retoqués par le tribunal administratif de Rouen, et tentent sous un nouveau nom de récupérer le contrat.

Bizarre, alors que le candidat Emmanuel Macron avait affirmé que « nous devons fermer toutes les centrales à charbon », et que la conférence des Nations unies contre le changement climatique (COP 23) s’ouvre lundi 6 novembre à Bonn. (...)

Le poisson-pilote du « charbon propre »

Ce projet de captation du CO2 tenait à cœur à Édouard Philippe, qui souhaitait faire du Havre le poisson-pilote du « charbon propre ». L’opération, qui consiste en d’importants travaux de rénovation et de modernisation, a coûté la bagatelle d’environ 160 millions d’euros à la charge d’EDF. Lequel a mis en place en 2013 un test, qui s’est révélé positif (mais n’a pas été étendu sur la tranche concernée). Peu importe : cette expérimentation sert de justification à Édouard Philippe pour défendre les 200 emplois que génère la centrale jusqu’en 2035.
Pourtant, des dispositions avaient déjà été prises pour sauvegarder le travail des employés concernés (...)

Autre argument défendu par le député-maire, une telle centrale permettrait d’éviter « de devoir importer de l’électricité, à prix élevés, pour faire face aux pointes de consommation ». Mais cette argumentation ne s’accorde pas avec les promesses faites par le passé, rappelle Alexis Deck : « Édouard Philippe avait promis il y a cinq ans, pour se faire élire, qu’il allait utiliser son carnet d’adresses chez Areva pour obtenir la construction des futures éoliennes offshore au large d’Étretat. » Si un projet de parc éolien a bien été lancé par EDF, il s’est embourbé dans les méandres juridiques, et ne devrait pas voir le jour avant plusieurs années. (...)

En juillet 2016, la ministre de l’Écologie Ségolène Royal avait inscrit dans la programmation pluriannuelle de l’énergie (PPE) la fermeture à l’horizon 2023 des centrales thermiques. La décision ébouriffa le maire du Havre, qui fit voter par son conseil municipal le 11 juillet un vœu incendiaire où il martelait que « la fermeture ou la reconversion de la centrale du Havre est prévue depuis de nombreuses années pour 2035 au plus tôt », écrivant que « la programmation énergétique ne devrait pas être l’enjeu de posture ». Ce vœu, et un autre déposé par l’élu PS Matthieu Brasse et également adopté, sommaient le gouvernement de retirer de l’ordre du jour du Conseil national de la transition énergétique l’examen du PPE et le maintien de la date de fermeture en 2035.

Devant la défense farouche d’Édouard Philippe, les conseillers ministériels qui le reçurent lui assurèrent qu’il n’y aurait pas de fermeture brutale et anticipée en 2023, mais la mise en place d’un plan pour la transition énergétique au Havre. (...)

Son souhait de conserver la centrale jusqu’en 2035 fut finalement satisfait : en novembre, le gouvernement de M. Valls reportait la fermeture de 13 années. (...)