Bandeau
mcInform@ctions
Travail de fourmi, effet papillon...
Descriptif du site
Mediapart
Climat : l’ONU met en garde le plus gros pétrolier du monde et ses soutiens français
#urgenceclimatique #ecosystèmes #petroliers #Banques #ONU
Article mis en ligne le 5 septembre 2023
dernière modification le 4 septembre 2023

Fait sans précédent, des experts des Nations unies ont averti le géant pétrolier saoudien Saudi Aramco de son impact énorme sur le climat et les droits humains. Le gouvernement français et des banques tricolores ont également été interpellés, ces dernières finançant largement le saboteur climatique.

C’est une première dans l’histoire des Nations unies. Les expert·es de l’ONU ont alerté le plus grand pétrolier au monde, Saudi Aramco, ainsi que ses financiers de leur impact considérable sur les droits humains, en raison de l’importante contribution de la multinationale au chaos climatique.

Peu connue du grand public, Saudi Aramco est une entreprise publique détenue à 98,5 % par l’Arabie saoudite. Première exportatrice internationale de pétrole, elle est la firme la plus émettrice de la planète. En 2019, le géant saoudien de l’or noir a été responsable de l’émission de 1,93 milliard de tonnes équivalent CO2 – soit plus de quatre fois et demie ce qu’a émis la France cette année-là. (...)

Dans une lettre adressée directement à Amin Nasser, le PDG de Saudi Aramco, et rendue publique le 26 août, les expert·es de l’ONU ont souligné que les activités commerciales du groupe semblent « contraires aux objectifs, obligations et engagements de l’accord de Paris sur le climat », notamment par « le maintien de la production de pétrole brut, l’exploration de nouvelles réserves de pétrole et de gaz » ou encore son greenwashing.

D’autres points de cette missive détaillent le travail de sape climatique de Saudi Aramco, avançant par exemple que le pétrolier a « annoncé son intention de doubler sa production de gaz fossile d’ici à 2029 » et que « sa stratégie commerciale consiste à augmenter sa production d’énergies fossiles ».

Pour conclure, l’ONU estime que comme « les entreprises jouent un rôle central dans le changement climatique, et [que] les énergies fossiles représentent plus de 75 % des émissions globales », Saudi Aramco, « du fait de ses émissions historiques, aurait déjà contribué de manière significative aux impacts négatifs sur les droits humains liés au changement climatique ». (...)

« Nous pensons que Saudi Aramco commet la plus grande violation de la législation sur les droits humains liée au climat jamais commise par une entreprise, a estimé dans un communiqué ClientEarth, ONG de droit environnemental qui a déposé une plainte auprès des Nations unies en 2021 au sujet de l’impact climatique de Saudi Aramco. Ces avertissements de l’ONU établissent une nouvelle norme juridique pour les responsabilités des entreprises fossiles en matière de droits humains dans le cadre de la crise climatique, alors que les récents pics de chaleur extrême, les inondations, les incendies et les tempêtes continuent de coûter des vies dans le monde entier. »

La France dans le viseur onusien

Les expert·es de l’ONU ont également envoyé plusieurs missives dans le même style aux bailleurs de fonds du pétrolier, jugeant que le financement des activités fossiles de Saudi Aramco pourrait constituer une atteinte aux droits humains.

Parmi les destinataires de ces courriers, les banques françaises qui, malgré leurs engagements en matière de décarbonation, ont apporté un soutien financier massif à la multinationale saoudienne ces dernières années. C’est qu’appuyer les pollueurs climatiques demeure extrêmement rentable. En mars dernier, Saudi Aramco a annoncé des profits records de 161 milliards de dollars pour 2022. Soit le plus gros bénéfice de l’histoire de l’industrie pétrolière.

Entre 2016 et 2022, BNP Paribas a ainsi fourni à Saudi Aramco un total de 7,6 milliards de dollars. Le Crédit agricole a pour sa part soutenu à hauteur de 6,6 milliards de dollars les activités climaticides du pétrolier. La Société générale, 4,4 milliards. (...)

À ce titre, ces trois groupes bancaires et le gouvernement français ont reçu chacun un courrier de l’ONU, mettant en lumière que « les entreprises financières peuvent être directement liées à des impacts négatifs sur les droits humains par le biais de leurs relations d’affaires (telles que l’octroi de financements) ».

Comme pour Saudi Aramco, les banques et l’État français ont eu soixante jours pour répondre aux Nations unies. Les expert·es de l’ONU demandaient notamment au gouvernement d’indiquer les mesures déployées pour encourager les entreprises françaises « à s’abstenir de nouer des relations commerciales » avec des firmes climaticides comme Saudi Aramco. (...)

ni le Crédit agricole ni BNP Paribas n’ont donné suite à l’interpellation onusienne. (...)

Selon ClientEarth, cet avertissement des Nations unies crée un précédent juridique de premier ordre. Il clarifie la manière dont le droit international des droits humains régit également les plus grands émetteurs à l’origine de la crise climatique, mais aussi « comment il peut être utilisé pour les aider à rendre des comptes dans les salles d’audience du monde entier ».