
En prétendant que « la France, c’est 1 % des émissions mondiales », Emmanuel Macron reprend un classique de la droitosphère, qui ignore que la France est le 12e plus gros pollueur historique du climat. Cette forme de révisionnisme discrédite la parole présidentielle.
C’était lundi 4 septembre, lors de son interview face au youtubeur Hugo Travers pour sa chaîne « Hugo décrypte ». En pleine plaidoirie en faveur de l’industrie aéronautique, Emmanuel Macron affirme soudain que « la France, c’est 1 % des émissions mondiales ». Il parle des rejets de CO2, le principal gaz à effet de serre à l’origine du dérèglement climatique. Et pour être sûr de bien se faire comprendre, il répète quelques minutes plus tard que « la France, c’est à peu près 1 % des émissions ».
S’il vous semble avoir déjà entendu cette phrase, vous avez bonne mémoire. Elle a été prononcée par Éric Zemmour lors de sa campagne présidentielle (« Je dis simplement que les Français... La France représente 1 % des émissions de CO2 »), et reprise par des chroniqueurs aimant ridiculiser les écologistes (Gaspard Proust dans le JDD, Olivier Babeau sur France 5).
Elle est un argument familier des climatosceptiques depuis le best-seller de l’ancien ministre de l’éducation Claude Allègre sur ce qu’il appelait en 2010 « l’imposture climatique ». Le président du Rassemblement national, Jordan Bardella, l’a reformulée légèrement (sur France Inter) : « La France est le deuxième pays le plus propre au monde et l’un de ceux qui émettent le moins de CO2. »
Emmanuel Macron sur le plateau d’« Hugo décrypte », le 4 septembre 2023.
Si cette affirmation est devenue un classique de la droitosphère, c’est qu’elle flatte son carbopatriotisme : la France serait parmi les meilleurs sur le climat grâce à son industrie nucléaire, qui lui permet de produire une électricité largement décarbonée.
Elle ressemble à une version environnementale de la célèbre phrase de Michel Rocard affirmant en 1989 que « nous ne pouvons pas héberger toute la misère du monde », actant alors la fermeture des frontières à la migration extra-européenne. Et si elle pose problème d’un point de vue climatique, c’est qu’elle est historiquement erronée et clairement confusionniste. (...)
pour évaluer la part d’un pays dans le chaos climatique, il est intellectuellement malhonnête de ne considérer que ses émissions annuelles. Si l’on regarde les émissions de CO2 cumulées entre 1850 et 2021, la France est le 12e plus gros pollueur mondial, a calculé le média spécialisé Carbon Brief. Elle se situe après l’Allemagne et le Royaume-Uni, mais avant l’Australie, l’Afrique du Sud ou son voisin italien. (...)
Affirmer le contraire est une grave distorsion des faits. C’est une forme de révisionnisme qui discrédite la parole présidentielle. Elle l’enferme dans un techno-solutionnisme (voitures électriques, avions à hydrogène, pompes à chaleur, etc.) qui promet de vider de sa substance la planification écologique tant annoncée.