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Le Point
Clubhouse : une maison entièrement gérée par des malades psychiques
Article mis en ligne le 10 juin 2018
dernière modification le 9 juin 2018

Comptabilité, logistique, intendance... Ici, ce sont les malades qui gèrent le quotidien. Avec des résultats spectaculaires sur leur état de santé.

Rue de Lunéville, dans le nord-est de Paris, les matins se ressemblent. Dans la pièce centrale de cette lumineuse maison de 340 mètres carrés, arrivent en file indienne des adultes qui s’embrassent, bavardent, se servent et boivent un café. Ils ont en moyenne 42 ans, et bientôt se rassemblent autour d’une table. Une personne, s’étant désignée comme administrateur de la séance, déroule le protocole, constituant à répartir les tâches. Qui prend des permanences au standard ? Qui achètera le pain ? Qui nettoiera la poubelle jaune ? Qui se chargera de la vaisselle ? Un autre membre inscrit sur le tableau blanc, couvrant l’intégralité du mur, les services ainsi attribués. Ceux pour lesquels il manque des inscrits sont encadrés de rouge ; cela permettra aux prochains arrivants de repérer dans quelles activités s’inscrire.(...)

Les travaux distribués, on fait un rapide tour. Chacun donne son prénom, dit s’il se sent bien ou pas tellement, puis indique combien de temps il restera aujourd’hui. On évoque le cas de Thomas, de nouveau hospitalisé, il lui sera écrit une carte postale et passé un appel. Ces adultes qui gèrent comme des pros le standard, la comptabilité, le budget, la logistique des courses et tout ce qu’implique le fonctionnement d’une maison dans laquelle 250 membres peuvent venir passer la journée sont tous handicapés psychiques.(...)

Trente-sept règles encadrent le cadre de vie international des « clubhouses », l’association créée en 1948 à New York et qui, depuis, a essaimé dans 35 pays. En France, ce « clubhouse » parisien fut pionnier voici six ans, une structure sœur s’est depuis ouverte à Lyon, puis à Bordeaux. Les résultats sont si spectaculaires qu’Agnès Buzyn, ministre de la Santé, leur a rendu visite en avril, intéressée par l’expérience. Il y a de quoi. « 30 % de nos membres trouvent un emploi salarié, et les journées d’hospitalisation chutent de 70 % », commente Céline Aimetti, responsable de la communication.

« Tout le monde bosse de 9 h 30 à 18 heures »(...)

Le visiteur de passage est alors en proie à une confusion intéressante : impossible de distinguer le « staff », salarié de l’association, du « membre », soit un malade, atteint d’un trouble sévère (schizophrénie, bipolarité ou dépression). « Notre lieu n’est pas médicalisé, mais tous nos membres suivent en ville un traitement médical(...)

Réunion de l\’après-midi dans le clubhouse parisien. Les malades prennent part aux décisions.

Clubhouse : une maison entièrement gérée par des malades psychiques
Comptabilité, logistique, intendance... Ici, ce sont les malades qui gèrent le quotidien. Avec des résultats spectaculaires sur leur état de santé.

PAR ÉMILIE LANEZ
Publié le 06/06/2018 à 17:26 | Le Point.fr

Rue de Lunéville, dans le nord-est de Paris, les matins se ressemblent. Dans la pièce centrale de cette lumineuse maison de 340 mètres carrés, arrivent en file indienne des adultes qui s’embrassent, bavardent, se servent et boivent un café. Ils ont en moyenne 42 ans, et bientôt se rassemblent autour d’une table. Une personne, s’étant désignée comme administrateur de la séance, déroule le protocole, constituant à répartir les tâches. Qui prend des permanences au standard ? Qui achètera le pain ? Qui nettoiera la poubelle jaune ? Qui se chargera de la vaisselle ? Un autre membre inscrit sur le tableau blanc, couvrant l’intégralité du mur, les services ainsi attribués. Ceux pour lesquels il manque des inscrits sont encadrés de rouge ; cela permettra aux prochains arrivants de repérer dans quelles activités s’inscrire.

Les travaux distribués, on fait un rapide tour. Chacun donne son prénom, dit s’il se sent bien ou pas tellement, puis indique combien de temps il restera aujourd’hui. On évoque le cas de Thomas, de nouveau hospitalisé, il lui sera écrit une carte postale et passé un appel. Ces adultes qui gèrent comme des pros le standard, la comptabilité, le budget, la logistique des courses et tout ce qu’implique le fonctionnement d’une maison dans laquelle 250 membres peuvent venir passer la journée sont tous handicapés psychiques.

Dans un vase de céramique rose, un participant tire au hasard un numéro. « Règle numéro 10 ». « Les membres ne demandent pas d’argent ou de cigarettes aux autres membres », lit-il à voix haute. Trente-sept règles encadrent le cadre de vie international des « clubhouses », l’association créée en 1948 à New York et qui, depuis, a essaimé dans 35 pays. En France, ce « clubhouse » parisien fut pionnier voici six ans, une structure sœur s’est depuis ouverte à Lyon, puis à Bordeaux. Les résultats sont si spectaculaires qu’Agnès Buzyn, ministre de la Santé, leur a rendu visite en avril, intéressée par l’expérience. Il y a de quoi. « 30 % de nos membres trouvent un emploi salarié, et les journées d’hospitalisation chutent de 70 % », commente Céline Aimetti, responsable de la communication.

« Tout le monde bosse de 9 h 30 à 18 heures »
L’heure tourne. À 12 h 30, repas chaud pour les 35 personnes inscrites. C’est une brigade quasi professionnelle qui court cueillir la roquette, cultivée sur le toit-terrasse de la maison, trempe les lentilles, hache le persil, vide le lave-vaisselle et met le couvert. Le visiteur de passage est alors en proie à une confusion intéressante : impossible de distinguer le « staff », salarié de l’association, du « membre », soit un malade, atteint d’un trouble sévère (schizophrénie, bipolarité ou dépression). « Notre lieu n’est pas médicalisé, mais tous nos membres suivent en ville un traitement médical, explique Céline Aimetti, fondatrice de Clubhouse France, aux côtés de Philippe Charrier, un chef d’entreprise. Nous vivons ensemble des journées de travail. On ne joue pas aux cartes. Tout le monde bosse de 9 h 30 à 18 heures. »

Cette discipline collective opère des merveilles, redonnant des repères et permettant à chacun de retrouver le goût de l’effort et celui, reconstituant, du partage. « Nous avons trois axes, dit Jean-Philippe Cavroy, le directeur des lieux, la cogestion de notre entité, la lutte contre l’isolement et l’insertion sociale et professionnelle. Nous sommes un passage, un endroit pour rebondir. » « À la différence des handicapés moteurs pour lesquels les entreprises savent quels aménagements techniques faire pour les accueillir, les recruteurs ne savent pas comment trouver une place pour les malades psychiques. C’est d’autant plus dommage qu’ils sont souvent très qualifiés », ajoute Céline Aimetti.

Le Clubhouse les accompagne dans cette conquête d’un travail en leur offrant, pas à pas, la possibilité de réapprendre à se servir d’un ordinateur, à tenir un bilan comptable, à répondre à un standard ou à rédiger des courriers. (...)

Les maladies psychiques ont cela de singulier qu’elles atteignent des jeunes, entre 15 et 25 ans, des personnes en train d’apprendre un métier, de suivre des études, de s’ébrouer lentement vers le monde adulte.(...)

« On se redresse par la bienveillance quotidienne », note Céline Aimetti.
« Nous ne sommes pas un établissement médico-social, nous n’entrons dans aucune case administrative, » commente Jean-Philippe Cavroy, le directeur du lieu. Une particularité qui oblige à beaucoup d’efforts pour trouver des financements. (...)