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Colère populaire contre grands actionnaires
Nicolas Sersiron Ex-président du CADTM France, auteur du livre « Dette et extractivisme »
Article mis en ligne le 7 décembre 2018

Ils sont encore capables de boucler leurs fins de mois, alors certains croient que leur capital culturel et financier les différencient des gilets jaunes. Pourtant c’est une révolte de fond contre l’ultralibéralisme. Elle rejoint tous ceux qui mènent depuis longtemps le combat pour que la vie de tous les terriens restent possible : humains, animaux, végétaux, insectes, bactéries, etc. Les luttes contre les inégalités sociales à l’intérieur des pays industrialisés, ainsi qu’entre ces derniers et ceux dits en « développement », sont bien au centre du travail de conscientisation que font de nombreux activistes.

Que la dette illégitime soit la porte d’entrée de certains, que pour d’autres ce soit la lutte sociale, et d’autres encore le combat écologique, ne change rien au fait que nous sommes tous dans la même bataille que les gilets jaunes, celle de l’égalité, de la justice sociale et de l’urgence climatique. Leur colère a démarré avec le rejet d’une nouvelle taxe sur les carburants décidée au nom du sauvetage climatique de la planète. Un énorme mensonge puisqu’à peine un quart de cette taxe va à la pseudo transition écologique macronienne. Elle qui n’est rien d’autre que de la croissance verte, du vent dans les voiles du grand capital, en réalité de nouveaux gisements de profits, donc du réchauffement, de la casse environnementale et sociale. (...)

Clamer que l’on est pour l’écologie, lutter contre le réchauffement ne peut se faire qu’en sortant de la croissance économique, et en répartissant équitablement les fruits du travail entre tous et toutes, et surtout en demandant aux peuples leur avis sur les moyens d’y parvenir. Il faut le dire et le redire, personne ne consentira à faire un réel effort tant que certains gagneront cent fois plus, voire mille ou dix mille fois plus, que celui qui ne peut boucler ses fins de mois. (...)

Et l’on ne parle pas des 100 milliards qui échappent à l’impôt chaque année grâce aux paradis fiscaux, ni des autres dizaines milliards de bénéfices versés sans raison. N’oublions pas le CICE, 20 milliards, bientôt 40 avec la baisse des cotisations, des fonds publics pour des entreprises privées qui ne créent pas d’emploi mais du coup servent les plus gros dividendes du monde à leurs actionnaires. Il y a aussi les 45 milliards d’euros d’intérêts dus au titre de la dette publique majoritairement illégitime. Ils sont versés par les contribuables français aux préteurs, des détenteurs de capitaux qui ne paient pas d’impôts grâce aux paradis fiscaux. Pour une vraie transition écologique et un réel bien être social il ne manque pas d’argent. Faire cesser le réchauffement climatique avant qu’il ne soit trop tard c’est agir comme à la guerre, dans l’urgence la plus totale. Il y a péril en la demeure, les degrés supplémentaires sont à nos portes, ils nous envahissent déjà. (...)

Pour redresser la balance des inégalités, le trio des défenseurs du capital ne propose que de fausses solutions. On navigue toujours dans l’univers des privilèges. Pourtant c’est en s’attaquant frontalement aux inégalités que l’on pourra faire enfin baisser les émissions de CO2 fortement, éloigner les spectres d’un monde invivable et ainsi donner à tous les enfants et leurs descendants, une chance de bien vivre. (...)

On sait que les riches et autres grands bourgeois, les 1 %, produisent 100 fois plus de CO2 que les plus pauvres. Le rapport entre un gilet jaune au SMIC et celui qui gagne 5 à 10 fois plus, s’il n’est pas de 100, pourrait bien être de 30 ou plus. Il est insupportable de faire porter le chapeau de la bataille écologique à ceux qui n’ont pas d’autres moyens pour gagner leur vie que d’utiliser leur voiture ou d’émettre du CO2 pour chauffer des habitats passoires thermiques. Ils ne sont pourtant pas responsables de l’éloignement du travail, des services publics, des écoles, des supermarchés, de l’habitat inadapté, etc. Ils ne sont pas plus responsables d’être si mal payés qu’ils doivent rouler avec de vieux diesels faute de transports collectifs et d’horaires adaptés. Moins d’une centaine de multinationales produisent plus de la moitié des GES émis sur la planète. À travers le lobbying, les portes tournantes des énarques, le travail des super cadres et autres patrons, les grands actionnaires dirigent le monde. Macron n’est que le serviteur de leurs basses œuvres (...)

Le peuple contre les actionnaires, voilà ce que sont les gilets jaunes.

Qu’il y ait des racistes et des xénophobes parmi eux, cela est certain. Le vote d’extrême droite représente 25 % de la population française. On ne voit pourtant pas qu’ils soient dominés par les racistes. La grande majorité d’entre eux sont surtout des désespérés du balancement gauche-droite produisant toujours plus de précarité. (...)

Macron est le dernier, après Chirac, à avoir réussi à se faire élire avec le coup de l’épouvante face à l’imminence de l’arrivée au pouvoir de l’extrême droite. Moins-disant social, écologique et fiscal sont pourtant les mamelles du capitalisme ultralibéral ayant pour résultat l’enrichissement des plus riches, la précarisation des plus pauvres, la dé-moyennisation des classes intermédiaires, la faim et la pauvreté d’un tiers des humains. Avec toujours moins d’égalité, de fraternité et plus d’individualisme, les cupides et autres assoiffés de pouvoir n’ont eu de cesse de dire que les responsables de la précarisation étaient les étrangers, ceux d’une autre couleur, d’une autre religion. Cet abominable rideau de fumée vient de se déchirer. Ha !!! le bouc émissaire, c’est tellement commode de lui faire porter le poids des inégalités croissantes dont on est responsable quand on détient le pouvoir et tous les moyens de communication. (...)

Le résultat est fascinant. Enfin la grenouille-peuple, tente un saut hors de la bouilloire. La douce chaleur et le confort se sont transformés en bain bouillant. Aller se rafraîchir sur les ronds-points, sortir dans les rues était devenu indispensable pour faire comprendre au chef que la cuisson à petit feu était terminée. Le chef, un trio d’arrogants, imbus de leur personne, rigides, aveuglés par le torrent des billets de banque qui leurs a permis de prendre le pouvoir en France, totalement en décalage avec les besoins et les espoirs de la population. Après les Ttrente Glorieuses, les Trente Vicieuses de l’ultralibéralisme et le couronnement de Macron XVI, peut-être ce mouvement est-il le premier grand craquement de l’ultralibéralisme imposé depuis les années 80, au début par le duo Reagan-Thatcher.