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Colères d’Arabie : le logiciel espion
Article mis en ligne le 7 septembre 2012

Cruel paradoxe de ce printemps arabe : les défenseurs des droits de l’homme barheïnis utilisent les réseaux sociaux occidentaux pour manifester ; leurs tortionnaires, des systèmes de surveillance occidentaux pour les espionner.

Au printemps dernier, un Bahreïni exilé à Londres, une économiste britannique résidant à Barheïn et le propriétaire d’une station service en Alabama, naturalisé Américain, recevaient un petit e-mail émanant apparemment d’une journaliste d’Al-Jazeera.

Il y était question d’un rapport rédigé par Zainab Al-Khawaja au sujet des tortures infligées à Nabeel Rajab, deux des défenseurs des droits de l’homme incarcérés à Barheïn, suivi de cette précision :

“Merci de vérifier le rapport détaillé en pièces jointe, avec des images de torture.“ (...)

En analysant les e-mails envoyés aux défenseurs des droits de l’homme barheïnis, les deux chercheurs ont découvert un logiciel espion particulièrement perfectionné, utilisant une “myriade de techniques destinées à échapper à toute forme de détection“, notamment par les antivirus, dont le code n’en mentionnait pas moins, et plusieurs fois, le mot FinSpy, la société Gamma International, et le nom de plusieurs de ses responsables.

FinSpy, à en croire cette proposition de contrat trouvée en mars 2011 dans l’un des bâtiments de la sécurité égyptienne après la chute du régime Moubharak, est vendu près de 300 000 euros. C’est l’un des produits phares de la gamme d’outils de “lutte informatique offensive” commercialisés par FinFisher (aileron de requin, en anglais), filiale de la société britannique Gamma, spécialisée dans les systèmes de surveillance et d’interception des télécommunications. (...)

A l’occasion de l’opération SpyFiles, WikiLeaks et Privacy International avaient révélé que FinFisher faisait partie des cinq marchands d’armes de surveillance numérique spécialisés dans les chevaux de Troie. Derrière ce nom, des logiciels espions créés pour prendre le contrôle des ordinateurs qu’ils infectent afin d’activer micro et caméra, d’enregistrer toutes les touches tapées sur le clavier (et donc les mots de passe) ou encore les conversations sur Skype, par messagerie instantanée, par e-mail etc. avant de renvoyer, de façon furtive et chiffrée, les données interceptées via des serveurs situés dans plusieurs pays étranger. (...)

Comme notre enquête sur Amesys, le marchand d’armes français qui avait créé un système de surveillance généralisé d’Internet à la demande de Kadhafi (voir Au pays de Candy) l’avait démontré, les logiciels espions et systèmes d’interception et de surveillance des télécommunications ne font pas partie des armes dont l’exportation est juridiquement encadrée (voir Le droit français tordu pour Kadhafi). Aucune loi n’interdit donc à un marchand d’armes occidental de faire commerce avec une dictature ou un pays dont on sait qu’il se servira de ces outils pour espionner opposants politiques et défenseurs des droits humains. (...)

Depuis le classement sans suite de la plainte déposée à l’encontre d’Amesys, à la veille de la présidentielle, le nouveau gouvernement ne s’est jamais prononcé sur cette affaire, par plus que sur l’implication de Claude Guéant, Brice Hortefeux et des services secrets français, non plus que sur une éventuelle interdiction, à l’exportation, de la commercialisation des armes de surveillance numérique. (...)