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Combattu par le business de la mort, le cercueil en carton peine à s’imposer
Article mis en ligne le 21 décembre 2016
dernière modification le 16 décembre 2016

Alternative écologique et économique, le cercueil en carton peine pourtant à s’imposer face à la résistance du milieu des pompes funèbres

« Je découvre un monde… » Lorsque Martine Saussol s’est lancée dans le commerce de cercueils en carton, elle ne s’attendait pas à recevoir d’inquiétants coups de fil anonymes. Elle y a pourtant eu droit. Et ce n’est qu’une péripétie dans le parcours du combattant qu’elle mène pour développer ce produit.

Lorsqu’elle s’est lancée, elle était pleine de bonnes intentions. « Je n’y peux rien, quand je vois un cercueil en bois, je vois un arbre », explique-t-elle. À juste titre, d’ailleurs, car la pratique est loin d’être négligeable : chaque année à travers le monde, on estime à plus de 11 millions le nombre d’arbres sains coupés — ce qui représente plus de 30.000 km² de forêt — pour produire des cercueils. C’est énorme, et pas forcément indispensable, surtout lorsqu’ils sont destinés à la crémation. Lorsqu’elle a eu à organiser les funérailles d’un ami « qui avait une sensibilité écolo », elle a cherché les alternatives et a découvert l’existence des cercueils en carton. Elle a ensuite rencontré toutes les difficultés du monde pour organiser la cérémonie, car « les crématoriums refusaient ce type de cercueils ».

Elle décide pourtant de développer ce concept et crée Éco-Cerc en 2012. Son produit phare : le cercueil le plus simple qui soit, entièrement en carton recyclé. « En France, 60 % du carton recyclé produit est inutilisé », précise Martine Saussol.
« On nous met des bâtons dans les roues »

L’idée ne plaît pas à tout le monde. À personne, même, dans le milieu très fermé des pompes funèbres, qui ont tout fait pour tuer dans l’œuf cette initiative. Le principal obstacle vient des crématoriums — une activité de plus en plus concentrée — qui refusent tout bonnement les cercueils en carton. Éco-Cerc a donc dû soumettre son cercueil à une batterie de tests pour obtenir la norme NF. C’est désormais chose faite. Cela aurait dû régler une bonne partie des problèmes rencontrés par la filière carton : avec cette norme, les crématoriums ne peuvent plus, légalement, refuser les cercueils. (...)

Certains crématoriums refusent toujours, quitte à être hors-la-loi, de s’occuper des cercueils en carton. D’autres ont instauré une taxe allant de 150 à 200 euros pour ce genre de matériel, sous divers prétextes (ils feraient plus de poussières, favoriseraient moins la combustion du corps, encrasseraient les fours, etc.). D’autres encore se plient à la loi en traînant des pieds : « Ils organisent les crémations des cercueils en carton à la première heure, ce qui pose des problèmes d’organisation aux proches, notamment parce que cela oblige à fermer le cercueil la veille. »
« « On voit des cercueils arriver d’Europe de l’Est, achetés 90 euros livraison comprise et être revendus 900 euros en France ! »

« Le vrai problème, c’est qu’il y a énormément d’argent en jeu », estime Brigitte Sabatier (...)

Pour la filière bois, l’essor du carton représente une vraie menace : un cercueil en carton coûte deux fois moins cher que le moins cher des cercueils en bois (environ 350 euros contre 700). Du côté des pompes funèbres, plus les prestations sont chères, plus les marges sont importantes. (...)

Comme les pompes funèbres regimbent, les entreprises de cercueils en carton vont donc directement à la rencontre de leur clientèle. Pendant huit ans, Brigitte Sabatier a fait tous les salons de la mort pour vendre son produit aux professionnels. Sans succès. « Je me suis aperçue que je travaillais à l’envers : il faut aller voir les particuliers pour qu’eux réclament du carton. » Par ailleurs, certains commencent à inscrire ce souhait dans leur testament. Dès lors, le respect de cette volonté devient une obligation légale.