
En Seine-Saint-Denis, le taux de pauvreté s’élève à 27,9%. À seulement quelques kilomètres, dans les Yvelines, ce même taux tombe à 9,4%. Comment expliquer ces disparités immenses entre les territoires ? Et à quelles échelles devons-nous analyser les pauvretés françaises ?
Des pauvretés ? Oui, car la pauvreté française est multiforme.
Multiforme, en premier lieu, dans sa force de frappe, puisque les taux de pauvreté varient de façon impressionnante, inquiétante, d’un territoire à l’autre, et parfois même, entre deux communes limitrophes. Un seul exemple : selon les départements français, entre 5 % et 25 % des habitants sont en situation de pauvreté.
Multiforme, la pauvreté l’est également dans sa manière de frapper. Dans les grandes aires urbaines ou les zones rurales, dans les territoires industriels en déclin ou les espaces de montagne enclavés, en banlieue ou en centre-ville, en métropole ou en outre-mer, la pauvreté n’est jamais la même.
Sa mesure, les contraintes qu’elle impose, les populations qu’elle atteint, jusqu’aux formes qu’elle revêt : la pauvreté dépend toujours de la géographie dans laquelle elle s’implante.
Alors comment cartographier les pauvretés en France ?
Pour en parler, nous recevons :
- Jacques Lévy, géographe, directeur de la chaire “intelligence spatiale” de l’université Polytechnique Hauts-de-France, lauréat du prix Vautrin-Lud en 2018 (considéré comme le Nobel de géographie).
- Christine Saincy, responsable du pôle politique d’ATD Quart-Monde.
- Julien Damon, sociologue, professeur associé à Sciences Po, spécialiste des questions de pauvreté et de protection sociale.
En milieu d’émission, Philippe Rio, maire de Grigny élu "meilleur maire du monde", interviendra afin de présenter les actions mises en place pour lutter contre la pauvreté dans la ville la plus pauvre de l’hexagone. (...)
Comment mesurer la pauvreté ?
Il existe quatre approches principales. Une que j’aime bien parce qu’elle est très simple, est une approche subjective. On demande aux gens : est ce que vous êtes pauvres ? Est-ce que vous êtes riches ou est-ce que vous êtes "classe moyenne" ? Certains vont dire que c’est simpliste, mais c’est une approche assez fondamentale de perception. Autre approche, une approche administrative, puisqu’il y a des prestations de lutte contre la pauvreté. Il s’agit de regarder le nombre de personnes qui touchent ces prestations ou qui devraient les toucher parce que, parfois, elles ne les demandent pas. Le nombre d’allocataires du RSA est une approche de la pauvreté, et plus largement, l’ensemble des minima sociaux. Il y a deux autres approches qui sont plus classiques, avec un débat infini, ce sont les approches dites absolues contre les approches dites relatives. Pour la première, où que vous soyez, on regarde le panier de biens minimal dont vous avez besoin pour vous vêtir, pour vous loger, pour vous nourrir (...) Et la dernière approche, la plus classique, est une approche dite relative : on regarde votre situation, en particulier votre niveau de vie, par rapport à l’ensemble des niveaux de vie. Julien Damon
Il faut bien voir les limites des différentes approches. La relativité est aussi dans le temps. Parce que, effectivement, ce qu’on trouve aujourd’hui, riche ou pauvre, ce n’est pas forcément la même chose que dans une autre société. C’est tout le problème aussi des indicateurs de développement humain qui se réfèrent aux meilleurs pays à un moment donné, mais comme ça bouge aussi dans les pays de référence, il faut le prendre en compte. Cela ne veut pas dire que ce n’est pas intéressant, mais il faut le savoir. Il ne faut pas oublier les limites de ce type d’indicateurs. Jacques Lévy
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