
« Etat policier », « despotisme doux », « césarisme » : juristes, avocats et grandes organisations de défense des droits humains critiquent très sévèrement le projet de loi sur la sécurité intérieure et la lutte contre le terrorisme, qui doit être votée à l’Assemblée nationale, la semaine prochaine. Remplaçant l’état d’urgence qui arrive à expiration, cette loi en prolonge plusieurs dispositions très controversées, banalise l’arbitraire, et autorise même le recours à des polices privées sur la voie publique. A croire que, bien au-delà de la lutte anti-terroriste, c’est toute forme de contestation de l’ordre établi qui pourrait être visée.
Coincée entre la fameuse réforme du code du travail – dont les cinq ordonnances sont présentées, ce vendredi 22 septembre, dans leur version définitive en Conseil des ministres – et le projet de loi de finance 2018, présenté lors du suivant, mercredi 27 septembre, elle passerait presque inaperçue. Elle n’a pourtant rien d’anecdotique : « C’est une révolution, puisqu’elle nous fait changer de régime politique : jamais une telle concentration des pouvoirs aux mains de l’exécutif n’a été atteinte sous la Vème République », s’insurge Arié Alimi, avocat et membre de la Ligue des Droits de l’Homme. Elle, c’est la loi de sécurité intérieure, attendue à l’Assemblée nationale à partir de lundi prochain dans le cadre d’une session extraordinaire.
Après son adoption par le Sénat le 18 juillet dernier, puis son passage devant la Commission des lois de l’Assemblée la semaine dernière, son vote au Palais Bourbon risque d’être une simple formalité (...)
Ne dites plus « perquisitions » mais « visites domiciliaires »
Le désintérêt est d’autant plus gênant que l’enjeu est conséquent : le projet de loi « renforçant la sécurité intérieure et la lutte contre le terrorisme » ne vise rien de moins qu’à remplacer l’état d’urgence installé en France au lendemain des attentats du 13 novembre 2015. Après une sixième et dernière prolongation cet été, ce régime doit être levé au 1er novembre, sans pour autant disparaître du paysage : plusieurs de ces dispositions sont directement reprises dans le texte qui lui succède.
C’est le cas des assignations à résidence ou des perquisitions, maintenues moyennant un petit changement de nom. Il faudra désormais parler respectivement de « mesures individuelles de contrôle et de surveillance » et de « visites domiciliaires » (sic) : « Mis à part quelques petites modifications d’application à la marge, ce sont exactement les mêmes mesures, décrivant les mêmes logiques, décrypte Laurence Blisson, magistrate et secrétaire générale du Syndicat de la magistrature. On les maquille simplement d’une novlangue pour faire croire à une distinction entre l’état d’urgence et l’actuel projet de loi. »
« Abandon des principes qui devaient garantir les individus contre l’arbitraire » (...)