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Complotisme : « Un jeune sur six pense que la terre est plate » ? Pas si vite !
#complotisme #anticomplotisme #sondages
Article mis en ligne le 14 janvier 2023
dernière modification le 13 janvier 2023

Beaucoup de bruit pour rien ? Un sondage Ifop pour la fondation Jean-Jaurès et de la fondation Reboot publié jeudi alerte sur le rapport des jeunes à la science et à certaines thèses complotistes. Le constat est alarmant. Selon ce document, six jeunes sur dix estiment possible que la Terre soit plate, plus d’un sur quatre croit au créationnisme et près d’un sur deux pense que l’astrologie est une science. L’Ifop parle même d’une « génération "toc toc" ». Alors que ces résultats ont été largement repris dans la presse, sur les réseaux sociaux, de nombreuses critiques sur la méthodologie et l’objectif même du sondage sont apparues pointant des données finalement pas si scientifiques.

Que dit exactement cette étude ? Pourquoi est-elle critiquée ? Pour Marie Peltier, historienne spécialiste des complotismes, enseignante en histoire et auteure de Obsessions, dans les coulisses du récit complotiste contactée par 20 Minutes, ce sondage « est un outil pour appuyer la thèse que les jeunes sont de plus en plus contaminés par le complotisme » alors que « toute [son] expérience [lui] montre l’inverse ». (...)

Pourquoi la méthode est-elle tant critiquée ?

S’il ne saute pas directement aux yeux, il y a un premier problème avec ce sondage choc. L’échantillon de personnes interrogées est petit, et surtout celui sur lequel les auteurs mettent l’accent : 942 jeunes de 18-24 ans interrogés. C’est l’une des premières critiques qui a commencé à affluer à la suite de sa publication et de sa reprise dans les médias. Selon Marie Peltier, c’est d’abord l’intention de ce questionnaire qui pose cependant une difficulté : « En amont de la méthode, il y a un problème de vision et d’objectif, car cette étude extrêmement orientée est un outil pour appuyer la thèse que les jeunes sont de plus en plus contaminés par le complotisme, en plus d’avoir un biais islamophobe. » (...)

Entre la sorcellerie, le platisme, les extraterrestres, plusieurs questions du sondage tournent en effet autour des plus extravagantes théories du complot et jouent ainsi sur cette idée que « les complotistes sont tous des débiles », s’attriste l’historienne. Mais il joue aussi sur des clichés liés aux jeunes, celui en particulier d’une jeunesse qui serait en perdition, dans une logique de séparatisme, le tout à cause des réseaux sociaux et en particulier TikTok. « C’est une caricature stigmatisante et très réactionnaire des jeunes », s’agace Marie Peltier.

Et sur la méthode, là aussi, l’historienne a des choses à redire : l’échantillon interrogé, les réponses binaires, la tranche d’âge choisie alors qu’entre 11 et 24 ans, « on évolue beaucoup ». Finalement, le sondage ne répond pas à « une attitude scientifique car les sciences sociales ce n’est pas noir ou blanc ». (...)

Affichant une volonté de lutter contre le complotisme, ce sondage n’est-il finalement pas contreproductif ? Si les jeunes ne tomberont pas nécessairement dessus ou n’y prêteront pas particulièrement attention, il participe « à la stigmatisation de la jeunesse, et c’est la plus mauvaise chose à faire, d’autant que toute mon expérience me montre que c’est l’inverse, les jeunes sont de plus en plus conscientisés », souligne Marie Peltier, également professeure à la Haute école Galilée de Bruxelles.

Plutôt que pointer du doigt, elle préconise de « recréer le lien, de l’écoute, du respect » au lieu de « renforcer les clivages. » (...)