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Comprendre la réforme de l’assurance-chômage en 4 points et 5 minutes
Article mis en ligne le 30 septembre 2021

Cette semaine, un séisme social va s’abattre sur la France : la modification du mode de calcul de l’allocation chômage va mettre des centaines de milliers de personnes en grande difficulté financière. Il s’agit d’un décret d’application de la réforme de l’assurance chômage, loi votée en 2018. Pôle Emploi est parfaitement au fait de la violence de ce changement : en Île-de-France, l’organisme a passé commande de nouveaux dispositifs de sécurité pour gérer la colère des demandeurs d’emploi après cette nouvelle régression de leurs droits.

1 – De quoi s’agit-il ?

41% des allocataires de l’assurance-chômage vont perdre en moyenne 13% de leurs revenus dans l’année à venir. Pourquoi ? Parce que le salaire journalier de référence, c’est-à-dire la base de calcul utilisée par Pôle emploi pour calculer le niveau de votre allocation, change.

Jusqu’à présent, l’allocation était calculée sur la base de la moyenne des salaires perçus les 12 derniers mois, divisée par le nombre de jours travaillés.

Le gouvernement souhaite que l’allocation soit calculée sur les 24 derniers mois, et le revenu sera divisé par le nombre de jours total, y compris les jours non travaillés. Le fait d’avoir eu des périodes de chômage, un creux entre deux CDD par exemple, sera très pénalisant.

La réforme prévoit qu’il faille désormais avoir travaillé 6 mois pour pouvoir recharger ses droits au chômage, et non plus 4 mois comme actuellement.La contrepartie, c’est un temps d’indemnisation légèrement allongé, qui ne bénéficierait qu’à ceux qui restent au chômage jusqu’à la fin de leurs droits.

C’est pour cela que cette réforme touche d’abord les salariés les plus précaires et les jeunes, selon une étude des députés socialistes.

Encore plus fort, la clémence du gouvernement a été orientée vers les plus aisés. Les personnes dont le salaire moyen était supérieur à 4500€ brut devaient voir leur allocation chômage baisser après 6 mois. Le dernier décret d’application de la loi, pris le 30 mars, leur a octroyé deux mois supplémentaires avant que la dégressivité ne s’applique.

Il existe d’autres mesures dans cette loi, censées être “sociales” et “de gauche”. Pour l’indemnisation des démissions, les critères pour en bénéficier sont tellement restrictifs que seule une toute petite minorité des démissionnaires en profite réellement, et c’est Ouest France qui nous le dit.

Autre exemple, un bonus-malus sur les cotisations patronales des entreprises, en fonction de leur taux d’utilisation des contrats courts, est mis en place. Mais cette mesure ne s’appliquera qu’en septembre 2022 et exclura les secteurs les plus utilisateurs de contrats précaires, comme l’hôtellerie-restauration. Il ne faudrait pas contrarier les patrons avant les élections.

2 – Quelle est la logique ?

Cette réforme est d’abord faite pour faire faire des économies à l’assurance-chômage : plus de 2 milliards par an, selon les estimations de l’Unédic. Et ce sont les précaires, qui de toute façon ne votent pas Macron, qui vont payer, en basculant dans la grande pauvreté.

3 – Comment en est-on arrivé là ?

Il faut bien avoir en tête que l’assurance-chômage est depuis le début de son quinquennat la principale cible d’Emmanuel Macron. Mais toutes les évolutions clefs de cette attaque sociale sans précédent se sont passées dans l’indifférence générale.

« L’objectif de la réforme de l’assurance chômage, c’est de lutter contre la précarité de l’emploi en réduisant le recours excessif aux contrats courts. Ils ont explosé de 250% en 15 ans en France », expliquait Elizabeth Borne, ministre du travail, sur France Info le 16 juin. Sauf que c’est le gouvernement qui encourage les entreprises à utiliser ces contrats. Dans sa loi travail de 2017, il a introduit les contrats dit de « mission », qui sont des contrats qui s’arrêtent quand le salarié n’est plus utile à l’entreprise. (...)

4 – Quel est le but réel de cette réforme ?

Ces réformes ont toutes pour but de faire en sorte que ce système ne soit plus assurantiel, plus contrôlé par les syndicats, et qu’il soit de moins en moins protecteur.

Il l’était déjà nettement moins qu’à ses débuts. (...)

Mais notre gouvernement veut aller plus loin : le droit aux allocations chômage reste toujours un caillou dans la botte de tout capitaliste qui se respecte. Car la classe dominante a besoin du chômage, le patronat en jouit chaque jour.

Comme en recadrant un salarié en lui disant : « J’en ai 100 comme toi qui attendent de l’autre côté de la porte ! » Ou en faisant des chantage au plan social à longueur d’année, comme dans ces usines ou des « accords de performance collectives » ont été conclus après une intimidation du type « baissez vos salaires ou on ferme ». C’est ce qui est arrivé aux salariés de Derichebourg récemment, mais aussi à ceux de Smart en Moselle en 2015,et leur usine a quand même fermé. Tout ça serait impossible s’il n’y avait pas de chômage en France.

Mais cette situation bien confortable ne leur suffit pas : comme il y a une assurance-chômage et qu’on ne se retrouve pas immédiatement à la rue quand on perd son emploi, le patronat reste insatisfait. Notre peur n’est pas assez grande.

Avec ce dernier décret d’application, des centaines de milliers de personnes sur le fil vont basculer dans la grande pauvreté. Ils auront beau, sous pression, accepter le pire job possible, tous n’en trouveront pas, car il y a une pénurie d’emploi en France. Ces gens iront grossir le rang de nos parents, proches, amis, connaissances, qui vivent au RSA, en proie aux contrôles administratifs et à une vie de galère. Ces gens nous feront nous souvenir que quitter ce job où l’on est maltraité est un trop gros risque, ils nous feront nous dire que ce boulot qui nous brise le dos n’est pas si mal, cette masse de gens dont la vie de misère et d’humiliations ravit la bourgeoisie car elle sèmera la terreur parmi les travailleurs qui osent encore lutter, désobéir, négocier, faire la grève.

Avec cette réforme, la classe dominante veut nous briser les genoux. Il devient vital de lui mettre une balayette si nous ne voulons pas passer notre vie à ses pieds.