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Mediapart
Concentration des médias : la pantalonnade du Sénat
Article mis en ligne le 3 avril 2022

Créée à l’initiative des socialistes, la commission d’enquête du Sénat sur la concentration des médias vient de publier son rapport, qui ne contient aucune véritable mesure pour contenir les opérations de prédation ou d’instrumentalisation conduites par quelques milliardaires. Une formidable occasion gâchée.

C’est peu dire qu’en ces temps de campagne présidentielle, la question de la concentration des médias aurait pu constituer un formidable sujet de débat public, tant les menaces qui pèsent sur la liberté de la presse sont nombreuses et graves. Avec le milliardaire Vincent Bolloré qui instrumentalise plusieurs des médias dont il a pris le contrôle, comme CNews, pour en faire des officines de propagande au service du candidat d’extrême droite Éric Zemmour ; ou encore avec Martin Bouygues qui, avec l’appui d’Emmanuel Macron, voudrait organiser une fusion entre TF1 et M6 pour détenir une position de domination écrasante sur le marché audiovisuel, cela aurait même pu être un sujet majeur du débat électoral, puisque le droit de savoir des citoyens est, avec le droit de vote, l’un des ressorts majeurs de la démocratie. (...)

Le Sénat vient de mettre en ligne une version préliminaire du rapport qui achève ses investigations. Et ce document, que l’on peut consulter ci-dessous, contient 32 propositions aussi insignifiantes les unes que les autres. (...)

Il y a une convergence totale de vues entre Emmanuel Macron et le parti Les Républicains : ils appuient les opérations de concentration qui sont en cours et apportent leur soutien aux milliardaires qui les conduisent. (...)

Les auditions de Vincent Bolloré ou encore celle de Bernard Arnault, pour ne citer que celles-là, ont été particulièrement indigentes et ont permis aux milliardaires concernés de dérouler leurs arguments, sans être jamais véritablement bousculés. (...)

Les 32 propositions qui ponctuent les travaux de la commission d’enquête sont donc à l’unisson (...)

Dans le lot des propositions, on ne trouve pas davantage une quelconque proposition pour freiner les concentrations dites « verticales », permettant à certains oligarques de construire des conglomérats immenses agrégeant des activités nombreuses et différentes, à la manière d’un Vincent Bolloré, qui a des positions dominantes dans les médias, comme on vient de le voir, mais aussi dans la communication (Vivendi), la publicité (Havas), les sondages (CSA) ou encore l’édition (Editis et peut-être demain aussi Hachette)… (...)

La désillusion est d’autant plus forte que d’innombrables experts ont été entendus par la commission d’enquête, tout comme de nombreux journalistes ou directeurs de publication, dont celui de Mediapart, Edwy Plenel, qui ont apporté des témoignages saisissants sur les ravages induits par la concentration des médias ou ont fait d’importantes suggestions pour y mettre un terme. C’est la richesse qui restera des travaux de cette commission – même si cette partie du rapport n’est toutefois pas encore disponible : elle a accumulé une formidable matière, mais les rédacteurs des 32 propositions ont choisi de n’en tenir aucun compte.

Cela ne s’est certes pas déroulé sans encombre, car les 32 propositions consignées dans le rapport portent la marque du parti Les Républicains, majoritaire au Sénat. Les recommandations plus énergiques ont été écartées lors de la dernière réunion de la commission, le 29 mars, qui, selon plusieurs témoignages, a été pour le moins houleuse.

Dans les annexes du rapport, on trouve donc des contributions qui retiennent l’attention, celles par exemple des membres écologistes du Sénat, qui ont joué un rôle dynamique pendant les auditions, ou celle du communiste Pierre Laurent.

On trouve aussi une contribution du groupe socialiste, qui déplore la mise à l’écart de ses propres recommandations et attire l’attention sur les dangers des deux opérations en cours : la boulimie d’achats de Vincent Bolloré et l’opération de fusion TF1-M6.

Mais ces réserves, et les désaccords violents qui se sont exprimés lors de la séance ultime de la commission d’enquête, n’ont pas empêché que le rapport, avec ses 32 propositions affligeantes, ne soit adopté à l’unanimité. (...)