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la lettre de Patrick LE Hyaric
Contre la concurrence sauvage entre travailleurs
Article mis en ligne le 17 décembre 2013

Voici encore un drôle de mot : « travailleurs détachés ». On appelle ainsi dans l’Union européenne des salariés d’un pays qui vont travailler dans un autre pays. En 1996 les autorités européennes avaient élaboré une loi (directive) pour réglementer les conditions d’embauche d’un salarié de l’un des pays européen, allant travailler dans un autre. Cette directive dite « du travailleur détaché » prévoyait qu’un salarié de Roumanie ou du Portugal, venant travailler en France devait disposer du salaire minimum français mais conservait le dispositif de protection sociale de son pays. Mais toutes ces dispositions ont été allègrement contournées et bafouées par les plus grandes entreprises de transport privé, du bâtiment ou de l’agro-alimentaire et d’autres…, qui, soit en allongeant la durée du travail, soit en ponctionnant lourdement les salaires en échange d’hébergement, soit en ajoutant des heures supplémentaires non payées ont trouvé là une nouvelle main d’œuvre « bon marché », mise en concurrence avec les salariés permanents de l’entreprise.

Une telle mécanique du contournement vise évidemment à augmenter les taux de profit des plus grosses entreprises, tout en faisant pression à la baisse sur les rémunérations et les droits sociaux des travailleurs français. Il y a ainsi aux alentours de 500 000 salariés détachés en France. Et il y a environ 150 000 salariés français à l’extérieur de notre pays. L’élargissement de l’Union européenne à l’Est et la crise économique et sociale ont fait prendre une ampleur nouvelle aux flux de main d’œuvre à l’intérieur de l’Europe, en général d’Est en Ouest et des pays du Sud vers ceux du Nord. Le phénomène des travailleurs détachés touche officiellement 1,5 millions de personnes dans l’Union européenne.

Face aux protestations des syndicats et des forces progressistes en Europe, la Commission européenne a consenti en avril 2002 à rouvrir le dossier et à mettre de nouvelles propositions sur la table.

Ce n’est qu’aujourd’hui qu’un nouveau débat pour améliorer la directive rebondit avec la réunion des ministres du travail de l’Union européenne. Mais, la Commission de l’emploi du Parlement européen a déjà fait un certain nombre de propositions d’amélioration. Sur proposition du gouvernement français deux améliorations vont y être apporté. Mais celles-ci sont en retrait sur les propositions du parlement européen. (...)

La première porte sur la lutte contre de grosses entreprises donneuses d’ordre qui utilisent des filiales dans les pays à bas niveaux de salaires et de droits sociaux pour faire venir de la main d’œuvre « bon marché » en concurrence avec nos salariés.

Désormais l’entreprise qui procédera ainsi sera co-responsable des poursuites intentées contre des filiales qu’elle utilise. Mais ceci est très limité car le Conseil européen considère que les grandes entreprises donneuses d’ordre doivent rester protégées au nom de ce que l’on appelle la « sécurité juridique » des entreprises. (...)

La seconde modification porte sur une liste de documents que les entreprises devront présenter aux contrôleurs du travail afin de garantir les droits des « salariés détachés ». Pour l’instant cette disposition mériterait d’être plus claire et précise. Une telle disposition sera forcément limitée par le nombre insuffisant d’inspecteurs du travail existant. (...)

On est loin ici d’une nouvelle orientation, d’une loi claire protégeant les salariés et cessant de les mettre en concurrence les uns contre les autres. On peut aussi être préoccupé par le rôle de la Commission européenne chargée de « contrôler » la mise en œuvre de la directive. En général elle laisse faire, ce qui annihile toute bonne orientation. (...)

C’est l’unité des salariés contre ceux qui profitent d’eux qui est plus que jamais nécessaire pour qu’enfin progresse l’Europe sociale ! Pour cela il faut changer la directive des travailleurs détachés. (...)