
Alors que l’Union Européenne et l’Inde souhaitent renforcer leurs relations bilatérales, en particulier sur le plan économique, sécuritaire et environnemental, des organisations de la société civile, font part de leurs vives inquiétudes face aux régressions démocratiques et aux violences en cours en Inde. Ils appellent le gouvernement Français à s’exprimer fermement contre ces dérives.
Cette tribune est le fruit d’un constat partagé et d’une préoccupation collective de nombreux acteurs de la société civile en France : mouvements sociaux, organisations de défense des droits humains, syndicats, organisations de solidarité internationale. Certaines de ces organisations sont néanmoins contraintes de demeurer anonymes et ne peuvent apposer leur signature car cette dernière risquerait de mettre en danger leurs partenaires indiens. (...)
La relation privilégiée et les liens forts entre l’Inde et l’Union Européenne, sont fondés, selon cette dernière, sur des valeurs communes, aux premiers rangs desquelles un « engagement mutuel en faveur de la démocratie, de l’état de droit et des droits humains »3. — Or, depuis l’accession au pouvoir du BJP, un parti nationaliste hindou, en 2014, la situation des droits humains indienne ne cesse de se détériorer.
En effet, la répression et la violence d’État subies par la société civile, les journalistes, les avocat·e·s ou les syndicalistes ne cesse de croître et se traduit de différentes façons : arrestations et intimidations de militant·e·s, « cas fabriqués » contre des leaders communautaires ou des défenseurs des droits, assassinats de journalistes, traque des ONG critiques, multiplication des accusations de « sédition » et imposition d’un langage et d’un récit stigmatisant, marquant la volonté d’isoler ces forces citoyennes du reste de la nation en les accusant d’être des « traîtres à la partie » ou autres « agents de l’étranger ».
En outre, les attaques contre les législations progressistes obtenues de haute lutte se multiplient, avec la dérégulation des lois de protection des travailleurs, de l’environnement et des communautés marginalisées et historiquement opprimées (dalits, adivasis, minorités religieuses, etc.).
L’Inde ne cesse de régresser dans tous les classements internationaux, quel que soit l’enjeu retenu (...)
La prise de contrôle des institutions publiques et des contre-pouvoirs (universités, justice, médias) ainsi que les dérives autoritaires du régime nous interpellent, en particulier au moment où des pans entiers de la population indienne, notamment les musulmans, sont mis au ban de la société et sont menacés. La presse française s’est d’ailleurs largement fait écho de cette situation critique, explosive, et du spectre ethno-nationaliste qui plane sur la « plus grande démocratie du monde »4.
« Suivre la situation de très près » ne suffit plus, arguer que ces questions relèvent de la politique intérieure et de la souveraineté nationale indiennes ne tient plus, se cacher derrière la Constitution indienne, qui n’est plus respectée, et des institutions démocratiques prétendument solides ne peut plus nous satisfaire. (...)
Nous appelons ainsi le Président de la République Emmanuel Macron et le Ministre de l’Europe et des Affaires étrangères Jean-Yves Le Drian à faire preuve de responsabilité et de cohérence en dénonçant publiquement les violations des droits, les violences contre les minorités marginalisées et les discriminations dangereuses qui détruisent progressivement les valeurs séculaires et démocratiques sur lesquelles l’Inde a été fondée.
Nous réitérons également notre solidarité avec les citoyens et citoyennes, les organisations de la société civile et les militant.es indien.nes qui prennent des risques importants pour défendre les droits humains, les libertés fondamentales et la Constitution indienne. Car ne l’oublions pas, ils et elles sont le véritable souffle démocratique de l’Inde.