
A l’initiative de l’Union juive française pour la paix (UJFP), des intellectuels, des militants syndicaux et associatifs, et des organisations pensent qu’il est de leur devoir de combattre le fond de la tribune des 300 contre un nouvel antisémitisme afin de contribuer à apaiser le débat.
La tribune de Philippe Val contre le « nouvel antisémitisme », comme l’indique du reste l’adjectif qu’elle utilise, n’a pour objectif que de désigner une partie de la population de ce pays à la vindicte.
Il n’y a pas de « nouvel » antisémitisme dont la gravité éclipserait celle des autres. Serait-il plus néfaste que celui qui se manifeste au plus haut niveau de l’État, chez ces élites qui envisageaient d’un bon œil la publication des pamphlets de Céline ou l’inscription de Maurras et Chardonne dans le livre des commémorations nationales ? Édulcorerait-il celui, familier, d’une extrême-droite qui impose toujours un peu plus son agenda politique ? Non, bien évidemment, tout comme il n’y a pas un racisme plus grave qu’un autre. La lutte contre l’antisémitisme, l’islamophobie, la négrophobie ou l’antitsiganisme ne tolère aucune hiérarchisation. Tous ces racismes s’alimentent et se renforcent mutuellement.
La tribune de M. Val mélange à dessein la question de l’antisémitisme et celle de la détestable et criminelle politique israélienne, et ce point est lui aussi inacceptable. Nous refusons de valider cet amalgame qui est utilisé pour justifier les crimes de l’État d’Israël à l’encontre du peuple palestinien et le silence du monde entier.
Au-delà de la description d’une situation largement fantasmée, y compris au niveau national, sur le plan de l’antisémitisme – le texte parle, et c’est glaçant, d’épuration ethnique à bas bruit –, il n’a aucun objectif pacificateur. Il n’est écrit et diffusé que pour renforcer le consensus islamophobe contre des gens, souvent pauvres et habitant les quartiers populaires, qu’il accuse en bloc d’être antisémites.
Pour notre part, si nous constatons avec effroi l’existence d’une hostilité grandissante chez une partie minoritaire de l’opinion dite « musulmane » et « radicale » à l’égard des Juifs, et que celle-ci est suivie de passages à l’acte comme dans le cas de la tuerie de Toulouse ou celle de l’Hyper Casher, nous ne pouvons pas faire l’économie d’une analyse exigeante de la conjoncture politique et sociale française, ni de la géopolitique internationale. Ces nouvelles formes d’antisémitismes ne peuvent pas se comprendre sans une lecture globale et objective des forces qui agissent et produisent ces situations, à commencer par la mise en concurrence par l’État des différentes communautés – une division qui permet de mieux régner et une diversion des questions sociales –, mais aussi par les amalgames terribles entre Juifs et politique d’Israël que ne cesse d’alimenter une partie des élites de ce pays à laquelle ces tristes pétitionnaires participent.
Pour nous, un pays se compose de tous ceux qui y vivent et nous refusons fermement de relayer les propagandistes de la guerre civile.
L’islamophobie d’aujourd’hui n’est pas plus reluisante que l’antisémitisme d’antan, elle n’en est même que le pendant conjoncturel. Et pour paraphraser Frantz Fanon qui avait déclaré : « Quand vous entendez dire du mal des Juifs, dressez les oreilles, on parle de vous », nous disons aujourd’hui : quand nous entendons dire du mal des Noirs ou des Musulmans, dressons l’oreille, car l’antisémitisme n’est pas loin.