
Il y a plusieurs semaines, la vidéo d’un drone équipé d’un mégaphone, apostrophant les citoyens non confinés dans les rues de plusieurs villes de Chine avait indigné beaucoup d’internautes. Désormais, cette surveillance digne d’un film de science-fiction est une réalité. Pas seulement en Chine, en France aussi.
À Nice, un drone diffuse des messages demandant aux habitants de rentrer chez eux. utilisent un drone équipé de haut-parleurs pour faire appliquer les règles. Près de Nantes, aussi, les gendarmes ont sorti le drone pour surveiller un parc fermé aux promeneurs et joggeurs afin d’éviter la propagation du coronavirus.
Le 20 mars, le préfet de police de Paris, Didier Lallement, assistait aux premiers essais du nouveau dispositif de surveillance par drone dans la capitale. L’objectif : repérer plus facilement les citoyens qui ne respectent pas les mesures de confinement mises en place en pleine crise du coronavirus.
Des messages à 100 décibels
« Les drones que l’on voit sur les images sont des Mavic 2 Enterprise, de la marque chinoise DJI », relève le site internet de vulgarisation scientifique Futura Sciences.
Ces drones polyvalents, pesant moins de 1 kg, ont plutôt une vocation professionnelle et se vendent autour de 2 300 €. Ils peuvent être équipés d’un petit haut-parleur capable de diffuser des messages avec une puissance sonore de 100 dB. (...)
Cette pratique développée en pleine pandémie de coronavirus, est dans les cartons depuis plusieurs années, selon Laurent Mucchielli, sociologue et directeur de recherches au CNRS (Centre national de la recherche scientifique).
« Dès 2017, certains maires se vantaient déjà d’avoir acheté des drones pour leur police municipale. Il n’est pas du tout étonnant qu’en période de crise, on voit sortir ces choses, car elles sont déjà prêtes depuis longtemps », relève le chercheur.
Pour le sociologue, « on utilise la crise et la panique, et l’utilisation de mesures exceptionnelles comme l’état d’urgence pour sortir du tiroir ce qui était déjà prêt, mais que l’on n’aurait jamais osé utiliser en temps normal. Immédiatement, il y aurait eu des levées de boucliers ».
Le risque : que l’exceptionnel perdure
Il suffit de remonter seulement quelques années en arrière pour s’apercevoir que le contrôle des populations a tendance à se renforcer en période de crise. (...)
« La question qui va se poser, c’est : jusqu’où est-on prêt à aller en termes d’abdication des libertés individuelles au nom de la sécurité ? Et que va-t-on banaliser pendant cette période d’état d’urgence et qui perdurera par la suite ? », s’interroge Laurent Mucchielli.
Dans son livre Vous êtes filmés ! Enquête sur la vidéosurveillance, paru aux éditions Armand Colin (2018), le sociologue démontre que dans la plupart des grandes villes, on détourne la vidéosurveillance pour faire de la vidéo verbalisation. (...)