
Le Qatar a trouvé la parade. Puisque les médias traditionnels ne semblent pas voir ses nombreux atouts, il a confié le service après-vente de sa Coupe du monde à des influenceurs, nourris, logés, chouchoutés.
"Il était tiré à quatre épingles. Comme d’habitude." Dans un salon baigné de rose orangé, à Doha, Aaron, intimidé, s’apprête à enrouler son bras autour des épaules de son idole. David Beckham. "Je m’en rappellerai jusqu’à la fin de mes jours. C’était un gentleman, aussi professionnel, aussi sympathique que je l’imaginais", confie le supporter, en se remémorant ce moment de mars 2022, offert par le comité suprême d’organisation de la Coupe du monde.
Juste un fan de foot qui rencontre une star du ballon rond ? Pas tout à fait. La photo souvenir illustre à la perfection l’opération de communication menée par le Qatar pour contrer les articles au vitriol qu’il essuie dans la presse. A droite, le glamour de l’ancienne gloire de Manchester United qui loue son visage au Qatar pour quelque 11 millions de dollars par an (pendant 15 ans). A gauche, l’influenceur de proximité, 1 700 abonnés sur Instagram, petite main du programme "Fan leader" déployé par le Qatar pour inonder les réseaux sociaux. (...)
Si vous n’avez jamais entendu parler de ce programme, c’est normal. Sans être un secret, "Fan leader" incarne une discrète stratégie d’influence. A plusieurs reprises, depuis fin 2021, quelques dizaines de fans triés sur le volet ont débarqué à Doha pour un voyage aux frais de l’émir. Au programme : nuits dans des hôtels de luxe, visite de stades, safari, dégustation de plats traditionnels, balades en bateau dans la baie de Doha, flânerie dans les musées et selfies avec les ambassadeurs VIP du Mondial tels que Samuel Eto’o, Cafu ou Tim Cahill. Les fans arrivent de tous les pays participant à l’événement, y compris de France. (...)
"Un aveu d’échec" du Qatar
Telegram, Tiktok, Instagram... Les petits ruisseaux numériques font la grande rivière de la communication qatarie. "Cette Coupe du monde constitue un point de bascule", observe Mathieu Jabaud, expert en stratégie des médias. "La vraie influence se situe dans le digital. La stratégie du Qatar est de s’appuyer sur des relais, des ambassadeurs d’opinion qui ne se soucient pas d’écologie, ni de droits humains. Ça permet d’alléger le récit."
Des communautés plus restreintes, mais aussi plus spécialisées sur le ballon rond, et plus prescriptrices, pour maximiser le retour sur investissement. "Ce travail en sous-marin du Qatar est un aveu d’échec. C’est la reconnaissance d’avoir perdu la bataille des média classiques. Ils sont passés à la lutte sur les nouveaux médias, avec la communication de proximité." (...)